François-Xavier Dillard choisit une construction complexe pour ce thriller d’un genre un peu particulier, relativement inclassable.
Ayant eu des échos de la nécessité d’une concentration absolue, j’ai donc lu la première partie du livre sans m’arrêter.
Et heureusement !! (conseil d’amie : faites-en de même…)
Je dois dire que j’ai été totalement décontenancée par les premiers chapitres, incapable de savoir où l’auteur voulait en venir, mon cerveau fonctionnant à 200 à l’heure pour tenter de déceler un début d’intrigue, un commencement de piste, une ébauche de preuve.
Mais rien, le noir complet !!
Cela aurait pu grandement me décourager si je n’avais pas lu ses 2 romans précédents, possédant quelques clés, un peu de pratique de son style et de sa capacité à surprendre.
Il y a une foule de choses dont on peut parler pour chroniquer ce livre. Il s’agit d’une histoire dense, complexe, construite en puzzle auquel il manquerait toujours une pièce pour qu’un bout d’image se dessine.
D’abord, cette idée intéressante qui repose sur la conception d’un logiciel informatique fonctionnant avec des algorithmes, qui en traitant les informations, indices, preuves scientifiques retrouvés par les force de l’ordre, permettrait d’afficher le visage d’un meurtrier potentiel. Belle trouvaille, perspectives exaltantes pour des services de police débordés… Angoissantes aussi dans la cas où la machine viendrait à prendre le pas sur l’humain.
Puis, à travers le personnage de Basile Caplain, réflexions sur la greffe. Que donne exactement le donneur d’un organe ? Une partie de lui bien spécifique ou un peu plus que ça?
Dans ce livre, il y a des personnages à profusion. La difficulté est de les suivre et de s’y attacher. Et contre toute attente, ça marche. J’ai été séduite par la capacité de l’auteur de passer de l’un à l’autre, en suscitant un intérêt grandissant pour chacun d’entre eux.
Belle construction contre l’ennui !
Basile Caplain est donc un greffé du coeur, greffé de la dernière chance, un miraculé quoi. Depuis sa greffe, il fait des cauchemars absolument terribles qui le laissent exsangue.
Le sommeil est devenu pour lui synonyme de souffrance et de douleur.
Les parties du roman en italique nous rapportent ses cauchemars avec force détails.
Ali est le gérant d’une station service, seul ami de Basile, passionné de faits divers : plus ils sont violents et scabreux, mieux il se porte.
Paul Vignaud est un petit génie de l’informatique. A 19 ans, il est à la tête du fameux programme Nostradamus. Il est aussi handicapé depuis un accident de voiture.
Clara fait partie de la police scientifique et travaille avec lui sur ce projet. Elle a un sacré sens de l’humour qui permet au lecteur d’avoir de petits temps de pause au milieu d’un livre tout de même très noir.
Nicolas Flair est une sorte de mentaliste, psychiatre en criminologie. La PJ lui demande de participer à l’enquête sur laquelle elle s’enlise : trouver un meurtrier en série dont les crimes deviennent de plus en plus rapprochés.
Axelle est une jeune femme qui a été kidnappée et qui dévoile au lecteur ce qu’elle vit au quotidien depuis son enlèvement.
Je vous fais grâce des fonctionnaires de police qui contribuent aux aussi à cette enquête, pour vous dire qu’au milieu de tout ce petit monde, un petit garçon se confie principalement au sujet du divorce de ses parents, dans des chapitres qui lui sont exclusivement consacrés et qui commencent tous par la date du 13 décembre.
Alors ?
Comment François-Xavier Dillard fait-il pour raccrocher les wagonnets de ces multiples personnages et parvenir à les réunir pour en faire une histoire crédible ?
Si je vous dis qu’il en a profité pour nous rajouter une petite intrigue politique, vous vous dites que ce n’est pas possible ??? Et pourtant…
Force est de constater que cela fonctionne admirablement bien et qu’à la fin, toutes les réponses sont données et que l’intrigue qui pouvait apparaitre comme alambiquée au départ, ne l’est plus du tout.
L’auteur maîtrise les codes du genre et nous ballade entre scènes de terreur, scènes insoutenables, scènes plus drôles et plus légères, mélangeant à sa guise le ton, les problématiques, la psychiatrie, la science, la médecine, la justice. Rien que ça !!
Il reste également fidèle à ce que j’ai aimé précédemment chez lui : un attachement tout particulier pour les liens au sein de la famille. C’est un thème qui m’intéresse tout particulièrement car lorsqu’il est bien amené, dans un thriller ou un roman noir, il permet d’obtenir une touche de crédibilité supplémentaire. La famille est une source de joie certes mais aussi de problématiques qui nous touchent tous, à des degrés différents.
“Réveille-toi” sonne un peu comme un mantra, aucune chance que le lecteur s’endorme, sauf s’il lit 3 pages par semaine. Suivez mon conseil : lisez la moitié d’une traite, le reste sera alors un très bon moment de lecture !