Aude Bouquine

Blog littéraire

Il y a des livres que vous choisissez et des livres qui vous choisissent…
Envie d’une pause polars, celui-ci me faisait de l’oeil.

Si vous suivez mes chroniques, vous savez à quel point le sujet de l’enfance me touche.
Pas parce que je n’en ai pas eue, parce que la mienne a été un peu différente…
Ce n’est qu’à l’âge adulte, comparant la mienne à celle des autres, que je me suis rendue compte que la violence verbale et physique que je croyais normale, n’existait pas forcément ailleurs.
Mon enfance, pas une journée ne passe sans que j’y pense. Alors, dans mes lectures, je m’identifie. Je ressens au plus profond de mes tripes les émotions de tous les protagonistes qui ont l’enfance pesante, l’enfance qui fait souffrir, l’enfance qui va déterminer leur évolution vers un adulte en devenir. Il faut croire que j’ai sans douter un truc à régler avec ça, ou que je n’ai pas su en faire le deuil.

Dans “La fille du Roi des Marais, je lisais la phrase suivante” :
“Mais les souvenirs, ce ne sont pas des faits, ce sont des émotions”

Des émotions, j’en ai ressenties beaucoup à la lecture de ce livre.
Avant même les souvenirs précis, les émotions sont remontées. Un parfum, une chanson, un lieu, un geste, un regard…
Alors seulement le souvenir prend forme mais c’est vraiment l’émotion qui l’a déclenché.
En tout cas, ma mémoire fonctionne comme ça.
Alors pensez donc… Un petit garçon laissé par sa mère à une grand-mère ronchonne et revêche m’a rappelée la mienne, difficile d’accès, ne parlant que l’alsacien, dont la sauce tomate maison sentait si bon que je la détectais depuis le trottoir en arrivant, et dont le placard de cuisine était rempli de chocolats.
Et ces émotions là valent de l’or. Ces souvenirs aussi.

Donc Jean, 6 ans se voit confié à sa grand-mère, Lucette. Pas commode La Lucette, elle a un avis sur tout, réponse à tout, a élevé 7 enfants et ne sait pas si elle a vraiment envie d’en élever un 8ème. Pourtant, Marie, sa fille ne lui laisse pas vraiment le choix, juste le temps de se retourner, de trouver un appartement à Paris, de se construire une nouvelle vie. 
Jean et Lucette vont se frôler, se sentir, s’apprivoiser et s’aimer.

Il y a beaucoup de tendresse dans le livre d’Aurélie Valognes.
Et ça nous manque la tendresse, non ??
Nous sommes très rapides à juger, à pester, à nous mettre en colère mais jamais aussi prompts à comprendre, faire preuve d’empathie, trouver des circonstances atténuantes aux autres…
On joue la partie avec les cartes que l’on a : la famille dans laquelle on a grandi, l’éducation que l’on a reçue, notre âge, le pays dans lequel on naît, l’époque qui dicte ses lois.
Et parfois, les grands-parents ne sont là que pour vous prendre dans leurs bras, pour quelques secondes, arrêter le temps. C’est le cas de mémé Lucette. C’est le besoin qu’a Jean. Ca a été ma parenthèse, les samedis soirs chez mémé. 
La vie nous apprend, parfois douloureusement que nos parents ne sont pas parfaits. 
Que nous ne deviendrons pas des parents parfaits, que sur le chemin, des erreurs plus ou moins graves seront commises et engageront nos enfants sur une route plutôt que sur une autre, avec des blessures, mais aussi des souvenirs heureux. L’auteur explique ça aussi…
Etre parent ne vient avec aucun mode d’emploi et Aurélie sait si bien le suggérer pour nous aider à déculpabiliser.
J’ai été sensible à cette interrogation soulevée dans le roman : Comment devient-on parent soi-même quand on n’a pas eu d’exemple sous les yeux ?
C’est un sacré boulot….

De son livre, c’est Aurélie Valognes qui en parle le mieux.
A la fin, dans un petit chapitre qui s’intitule “Pour vous en dire plus. ”
D’abord en affirmant qu’elle écrit des histoires optimistes… Un joli mot bien français qui remplace “feel-good”, mais aussi des contes pour adultes.
Et j’aime encore plus cette appellation. Contes pour adultes c’est doux et ça fait rêver et moi j’ai besoin de rêver… encore….

Alors j’entends déjà les détracteurs… Oui mais le style ? Oui mais les mots ? Oui mais la grande littérature… Blablabla !”Mon style est accessible en hommage à mes parents et grands-parents, qui n’ont pas fait d’études. Mes textes nous ressemblent : je laisse transparaître ma joie de vivre, ma sensibilité, ma curiosité. Je reste fidèle à qui je suis…
Il ne faut jamais oublier d’où on vient, ni qui on est. Et c’est un combat de tous les instants. 
En ce qui me concerne, quand un auteur transmet des émotions, comme ce fut le cas pour ce livre, et certains autres, c’est gagné. Je ne vois pas très bien ce qu’il pourrait faire de plus important, de plus admirable que de faire vibrer son lectorat en l’autorisant simplement à ressentir et à réfléchir. 
C’est aussi une auteur de son temps, une femme de son temps : 
Ce roman est dédié aux femmes d’aujourd’hui et de demain, pour qu’elles se rappellent celles d’hier, qui ont été les premières à tracer un nouveau chemin vers la liberté.
Dans une époque où ce qui a été acquis par un combat douloureux est sans cesse remis en question, il me semblait bien utile de le préciser.
Exactement le message que j’assène à mes filles quotidiennement.

Je vous laisse maintenant, vous aussi vous plonger dans votre enfance, dans vos émotions passées de petit être en devenir, dans vos souvenirs de maison de famille, de grands-parents doux et attentifs, de bras tendres en compatissants dénués de tout besoin de “donner une éducation”. Profitez-en bien, parce que ces émotions sont si douces et tellement précieuses.

Merci Aurélie d’être venue “chatouiller mes souvenirs”.

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