Dans « Les hommes ont peur de la lumière », Brendan, la cinquantaine, licencié brutalement, se retrouve sans emploi. Pour parer au plus pressé et gagner de l’argent rapidement, il décide de travailler pour Uber. Au volant de sa voiture, les clients se succèdent, certains plus odieux que d’autres, dans ce Los Angeles labyrinthique où la richesse la plus insolente côtoie la misère la plus désastreuse. Lorsqu’il prend Élise au hasard d’une course, rien ne lui permet d’anticiper le cataclysme sur le point de bouleverser son existence. Et pourtant… les évènements qu’il va vivre vont obliger cet homme durement touché par la crise, marié et père d’une fille, à reconsidérer ses priorités et à s’interroger sur des questions essentielles.
Grandeur et décadence du pays le plus riche du monde : l’Amérique. Profondément divisés depuis Trump qui a encore exacerbé cette scission après son accession au trône, les États-Unis deviennent désormais l’exemple à ne pas suivre. Après l’image d’Épinal du rêve américain, Douglas Kennedy met en lumière l’autre face de cette Amérique, celle des galères financières, de la perte de son emploi sans préavis et sans assurance chômage ni assurance santé, des petits boulots nécessaires pour subsister et dévoile le système d’exploitation d’UBER. Pour bien connaître les États-Unis après y avoir vécu 6 ans, dont 4 en Californie, je voudrais attirer votre attention sur un point : tout ce que raconte Douglas Kennedy dans « Les hommes ont peur de la lumière » est vrai. Tout ce qui concerne la vie à Los Angeles, le coût de la vie, les « habitudes » des plus riches, l’esclavagisme moderne est vrai.
Hasard de la programmation, « Les hommes ont peur de la lumière » paraît à un moment clé de l’histoire du pays : la remise en question du droit des femmes à l’avortement. Le parti républicain a compris que pour regagner la Maison-Blanche, il va devoir rallier les fondamentalistes religieux à sa cause. Le portait que Douglas Kennedy fait de ces talibans de la pensée, par l’intermédiaire de son personnage de prêtre, Todor, démontre formidablement bien à quel point les suprématistes hommes blancs cherchent à reconquérir le pouvoir, contre la communauté noire évidemment, mais également contre les femmes. Vingt-six états sont en passe d’interdire l’avortement et de renvoyer des milliers de femmes à la condition de poules pondeuses qui n’ont plus aucun droit à disposer de leurs corps. Grossesses non désirées, viols, incestes, peu importe le motif, la réponse au droit à l’avortement reste identique : NON. Même la contraception deviendra illégale dans certains états comme la Louisiane.
Douglas Kennedy décortique le discours puritain, met en lumière ce sursaut chrétien face à un pseudo « relâchement moral » pour démontrer à quel point le dialogue entre deux camps devient tout simplement impossible. L’époque est à la guerre civile des idées face à une diminution drastique de l’éducation, et une augmentation de l’ignorance alimentée par les fake news. Ceux, comme Brendan, notre chauffeur UBER qui pourraient encore alimenter le débat sont trop occupés à survivre au quotidien dans une ville tentaculaire où l’argent fait loi. L’auteur a eu la bonne idée, parce qu’elle est réelle, de lui adjoindre une épouse militante, puritaine, et activiste afin de bien montrer que le fondamentalisme n’est pas seulement une affaire d’hommes, mais que les femmes aussi, par leurs histoires personnelles ou par conviction sont de bonnes armes pour convaincre et enrôler.
Si « Les hommes ont peur de la lumière » est d’abord un thriller haletant, doté d’une vraie intrigue et de jolis rebondissements, il est surtout une photographie très intéressante de l’Amérique d’aujourd’hui : précarité, fractures sociales, ubérisation de la société, lutte des classes, mais aussi remise en cause des droits fondamentaux des femmes à disposer de leurs corps. En 1985, Margaret Atwood imaginait une société dans laquelle certaines femmes seraient cantonnées dans un rôle de reproduction pour pallier une natalité en forte baisse. Il s’agissait alors d’une dystopie. Force est de constater que cette vision pessimiste d’un futur terrifiant se rapproche de plus en plus de notre présent. Douglas Kennedy fait montre de grandes qualités d’observation, mais surtout d’une capacité redoutable à détricoter un schéma de pensée nauséabond et rétrograde. « Les hommes ont peur de la lumière » reflète avec force propos l’ensemble de mes inquiétudes concernant le sort qui va être réservé aux femmes dans les années à venir. Lisez-le !
Je vais finir par ne plus venir lire tes chroniques Aude. Message de ma whislist😂
Merci à toi ( c’est de ma part) 🙏😘
C’est pour ton bien 😁
Je pensais qu’il n’était pas pour moi, mais tu as le don de me retourner le cerveau ! 🙈
C’est un compliment ça. Non ?? 😉
C’est comme ça que je l’entends 😉