Aude Bouquine

BLOG LITTÉRAIRE

Conte de fées, Stephen King Sorties littéraires avril 2023

« Conte de fées » c’est d’abord l’histoire de Charlie Reade. Charlie a 17 ans et vit seul avec son père. Sa mère est décédée dans des circonstances tragiques. Cette perte conduit le père de Charlie à boire beaucoup. Beaucoup trop. Cet alcoolisme vient séparer le père et le fils, car Charlie doit non seulement prendre soin de lui-même, mais aussi de son père lorsqu’il est saoul. Cette période dure quelques années… C’est pourquoi, un soir, Charlie fait un pacte avec le ciel : si son père arrête de boire, il promet qu’il fera le bien en échange. « Si vous faites ça pour moi, qui que vous soyez, je ferais quelque chose pour vous. Croix de bois, croix de fer, si je mens, je vais en enfer. Promis, juré. » C’est peu de temps après qu’il rencontre Monsieur Howard Bowditch et sa chienne Radar, un berger allemand. Le vieil homme vit seul dans une maison qui fait peur à tous les enfants du coin, car elle ressemble à celle de Psychose. Lorsqu’il tombe de son toit, c’est la chienne qui va alerter Charlie par ses aboiements. En appelant les secours, il promet de prendre soin de Radar et de venir régulièrement voir Bowditch à l’hôpital. Entre le vieil homme et le jeune homme se noue une relation hors du commun. 

« Conte de fées » se situe dans la ville de Sentry’s Rest, Illinois, Midwest. Le lieu n’est pas tellement important, mais comme dans tous les romans de Stephen King, il contribue à asseoir une atmosphère singulière. L’auteur prend toujours énormément de temps à décrire le paysage dans lequel évoluent ses personnages. Puis, il présente ses protagonistes. Dans « Conte de fées », cette partie dure environ deux cents pages. Dit comme cela, ça peut paraître énorme, mais finalement c’est loin d’être le cas, et, d’un point de vue tout à fait personnel, c’est une partie que j’adore dans les romans du King. C’est une manière de procéder dont je ne me lasse pas, et qui m’aide à entrer totalement dans un autre monde, hors du temps, et à m’approprier les personnages, comme s’ils faisaient partie de mon cercle proche. 

Le début de « Conte de fées » s’apparente à un roman d’apprentissage. Un jeune homme aide une personne âgée, parce qu’il a fait une promesse (et parce qu’il a un cœur en or). Pour son âge, Charlie a déjà vécu énormément de choses, un deuil, un père dans un triste état, l’obligation de se débrouiller seul. De grandir et d’évoluer seul. La relation qui se noue entre Charlie et Howard Bowditch, une relation de confiance, puis une réelle amitié est l’une des grandes forces de ce roman. C’est beau à en crever. Et tellement rare dans la vraie vie (moins rare dans l’œuvre du King). Puis, la relation que Charlie va entretenir avec la chienne Radar, les soins qui lui apporte, la régularité des repas et des promenades, contribue fortement à faire de Charlie, un personnage terriblement attachant, touchant, de ces êtres que l’on voudrait tous avoir dans sa vie. Charlie est un personnage d’une grande maturité, qui fait ce qu’il dit. Avec lui aucune promesse en l’air malgré son jeune âge, et il est l’incarnation même du respect de la parole donnée. De ces trois personnages, Charlie, Radar, Howard, je m’interroge sur ce que Stephen King a mis de lui dans chacun d’entre eux…

Mais « Conte de fées » ne traite pas uniquement de cette amitié. Howard va révéler son secret à Charlie grâce à cette confiance réciproque : une porte vers un autre monde se trouve dans le cabanon du jardin. En descendant les escaliers du puits, Charlie découvre le royaume d’Empis. À partir de ce moment-là, Stephen King s’en donne à cœur joie, et s’autorise toutes les possibilités. On passe d’un roman contemporain dans les premières pages, à un univers de Fantasy, en touchant au thriller et au fantastique, saupoudré d’un soupçon de science-fiction et de « Contes de fées » à la sauce horrifique. Le but premier de Charlie en pénétrant dans cet autre monde est de rendre un peu de jeunesse à la chienne qui est clairement en fin de vie. Or, en pénétrant dans le royaume d’Empis, il découvre un peuple malade, un monde qui devient gris, et fait la rencontre de personnages très étranges. En plus de sauver Radar, il se donne pour mission de sauver ce peuple. Évidemment, de multiples aventures l’attendent, certaines très désagréables. C’est le « Conte de fées » à la sauce King, qui s’apparente parfois plus à Hunger Games qu’à Jack et le haricot magique. « Je n’étais pas un prince à la Disney, et c’était peut-être une bonne chose. Un prince à la Disney, ce n’était pas ce dont avaient besoin les habitants d’Empis. » Les références qui sont faites par King aux contes de fées, notamment aux frères Grimm ou à Lovecraft sont nombreuses. Certains contes sont racontés de manière bien plus noire que ce que nous pouvons lire à nos enfants, Rumpelstiltskin et Boucle d’or par exemple. Mais une chose est sûre, comme dans les contes de fées, le héros doit faire triompher le bien sur le mal, quelle qu’en soit la difficulté, et Charlie doit préserver le royaume d’Empis de notre monde, car il renferme des trésors qui en accéléreraient l’exploitation.

En ouvrant « Conte de fées », j’avoue que je ne m’attendais pas tout à fait à cela. J’avais en tête un roman qui tendrait plus vers « Le pays des contes » de Chris Colfer, qui est clairement une saga jeunesse où deux enfants sont projetés dans un monde où les contes sont devenus la réalité. Je m’attendais à un univers où le personnage principal rencontrerait plus de figures de contes connues, des histoires que je pouvais lire étant enfant, évidemment agrémentées à la sauce King! Or le « Conte de fées » de Stephen King n’est absolument pas un roman jeunesse. (Et c’est tant mieux !) Puis, j’ai été un peu désarçonnée par la seconde partie du roman où l’on rencontre tout de même beaucoup de nouveaux personnages qu’il est difficile d’aimer, car, dans les deux cents premières pages, l’écrivain nous a tellement attachés aux trois protagonistes que je n’avais pas vraiment envie de les quitter. J’aurais aimé que cette mise en valeur continue. L’attachement aux personnages développé par King dans la première partie s’efface un peu au profit d’autre chose dans la seconde, et j’en ai été un peu frustrée. Enfin, dans cette seconde partie, il y a un passage qui est extrêmement long, et qui m’a un peu ennuyée. Alors, rien de grave, mais ce qu’ils l’ont lu voient certainement à quoi je fais allusion. 

Néanmoins, j’ai pris un plaisir immense à me plonger dans l’univers de « Conte de fées ». Ce roman a été écrit durant la période covid et on sent que Stephen King prend un plaisir immense et se lâche. Il a créé un autre monde comme échappatoire et cela l’a rendu heureux. Il s’autorise tous les styles, persiste dans ses petites piques vers Trump (et ça j’adore !), tout en créant des personnages sublimes et attachants. Terminer ce livre c’est comme quitter sa famille ou ses amis proches. Une certaine nostalgie nous étreint. Enfin, j’aime les messages véhiculés : le respect de la parole donnée, les bonnes actions qui engendrent une spirale positive. Tout changement de vie est possible grâce à la volonté. Quand Stephen King fait dire à Charlie « mon propre puits obscur, dont je ferais bien de me méfier. », c’est un conseil qu’il se donne à lui-même, et qu’il donne à ses lecteurs. Notre pire ennemi étant souvent nous-mêmes… Enfin, il faut saluer le travail éditorial : une couverture sublime et des dessins de toute beauté ouvrant chaque chapitre.

Je vous laisse sous une pluie de papillons monarque qui symbolisent les capacités à se transformer et à renaître, la légèreté et la joie de vivre. « Le temps, c’est de l’eau, Charlie. La vie n’est rien d’autre que le pont sous lequel il passe. »

Ma chronique de Billy Summers

Ma chronique de Si ça saigne

Ma chronique de L’institut

Découvrez d’autres avis du roman sur Babelio

6 réflexions sur “CONTE DE FÉES, Stephen King – Albin Michel, paru le 12 avril 2023.

  1. Warlop dit :

    J’aimerai être ce papillon Monarque et avoir cette légèreté et la joie de vivre. J’aime ton retour , juste et sincère, je le lirai même s’il y a des longueurs, même si la première partie est meilleure que la seconde, même si ma concentration est nécessaire pour assimiler les personnages de la seconde partie.
    J’aime aussi ne pas entendre que c’est un roman jeunesse, qu’un gamin de 10 ans peut le lire. 😡 ça me fait bondir !
    Je pense également qu’avec le King, il y a toujours une “2eme lecture” tout en subtilités et pour cela il faut avoir quelques références intellectuelles et ce n’est pas permis à tout le monde!!!

    1. Aude Bouquine dit :

      Soyons des papillons 🦋 monarque juste pour une journée… un peu de légèreté et de m’enfoutisme.
      Non ce n’est absolument pas un roman jeunesse !! C’est très réussi, tu verras 😉

  2. Yvan dit :

    Quel plaisir de te lire ! Tes magnifiques mots me replongent dans cette lecture, et franchement j’aimerais bien y retourner !

    1. Aude Bouquine dit :

      On est d’accord !! Encore un livre à atmosphère qui reste à jamais ♥️

  3. laplumedelulu dit :

    🦋 Merci à toi Aude 🦋

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