Voici enfin le dernier volume de la trilogie de Patrick Bauwen. On peut dire qu’il était sacrément attendu par les lecteurs ayant lu « Le jour du chien » et « La nuit de l’ogre ». Cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas le lire en one-shot, bien au contraire, vous y perdrez simplement sur le passé des personnages. On retrouve Chris Novak, notre médecin urgentiste, qui dans ma tête a le visage de Patrick Bauwen. Oui, bon, chacun l’imaginera comme il voudra. Chris Novak est en piteux état, sa descente en enfer n’a fait que s’accentuer. Si vous avez lu les précédents, vous savez qu’à la mention « situation personnelle », il écrira « c’est compliqué », il n’a pas vraiment eu beaucoup de chance avec les femmes qui ont partagé sa vie. (est-ce un appel au secours pour une intervention extérieure ??) Ici, drogué aux médicaments de toute sorte, alcoolique en puissance, il utilise tous les dérivatifs possibles pour diminuer ses angoisses et ses crises de panique. Novak est désormais agoraphobe. « Dans l’agoraphobie, le stress s’accumule au fil du temps, et d’un coup, les symptômes éclatent. J’ai arrêté d’abord les transports en commun. Puis la voiture. Puis j’ai complètement cessé de sortir en quelques jours. (…) L’agoraphobie est un rempart. Comparé à certaines vérités, vivre coupé du monde n’est pas un sort si pénible. » J’ai personnellement vraiment apprécié de découvrir les spécificités de cette pathologie (oui, je dois être un peu maso…).
Le chien sévit toujours, le jeu du chat et de la souris continue entre Novak et ce tueur à coups de crimes sanglants, de cadavres mutilés et d’indices laissés explicitement. Si le chien est resté le même, joueur, psychopathe et sociopathe, Novak lui est considérablement diminué. Ce déséquilibre des forces, associé à la nouvelle pathologie de Novak accentue l’atmosphère suffocante créée par Patrick Bauwen. C’est lourd, anxiogène, étouffant et suffocant : le lecteur est lui aussi proche de l’attaque de panique ! En ce sens, si vous aimez ce genre de climat qui vous fait sursauter à chaque bruit, vous allez être servis : le docteur a mis le paquet !
Patrick Bauwen a su donner une réelle profondeur à ses personnages (je ne développerais pas ce point pour ceux qui n’auraient pas encore eu l’opportunité de lire les opus précédents ) ce qui apporte à cette trilogie une couleur singulière, autant sur le fond que sur la forme. Pour donner une coloration encore plus marquée, il développe les affres des nouvelles technologies, « La puissance d’une rumeur est multipliée par les millions de cerveaux qui croient en elle. », qu’il associe avec une tradition ancestrale, le béhourd (allez faire un tour sur internet si comme moi vous n’avez aucune de ce dont il s’agit). Ainsi, la combinaison coutumes et modernité sert le décorum du roman, même si, paradoxalement, notre modernité technologique est finalement très proche des jeux romains « La colère contamine la foule. La violence se propage sur les réseaux sociaux. Parce que les neurones miment ce qu’on leur envoie. Ainsi, ils deviennent tous les sujets. Mets-leur des rires, et ils riront. Mets-leur des pleurs, et ils pleureront. Mets-leur de la violence, et ils iront là où tu les emmènes, ils casseront, ils tueront, ils détruiront. Ils penseront que c’est leur choix, leur volonté qui les guide. Alors que c’est la mienne. Celui qui contrôle le Web contrôle le Chaos. »
Dans une trilogie de ce genre, le lecteur attend évidemment la révélation finale : l’identité de ce monstre surnommé le chien. Il ne fallait pas se rater sur le dénouement. Ne croyez pas que vous allez aisément le deviner, l’auteur va savoir vous aiguiller habilement sur de fausses pistes, semant au gré des pages des informations qui généreront quantité de doutes. Force est de constater que c’est terriblement réussi puisqu’AUCUNE de mes hypothèses ne s’est révélée être la bonne. Le final est explosif, jouissif à souhait tant la surprise est totale. Mais il fait encore plus fort ! Alors que vous avez tant détesté ce personnage du chien, aviez rêvé de le voir crever dans d’atroces souffrances, l’auteur réussit le tour de force de vous faire éprouver, pour lui, de l’empathie ! Vous finissez par être extrêmement touché par son histoire personnelle et son sort. Ce n’était pas gagné de nous faire aimer un personnage aussi sadique et inhumain.
« Les gens aimeraient que le monde soit noir ou blanc. Le bien ou le mal. Mais ici, sur cette plage de mon enfance, quand je regarde vers l’horizon, là où le ciel et la mer se confondent, le monde n’est pas noir, ni blanc. Il est gris. »
Vous l’aurez compris « L’heure du diable » vous séduira par son rythme effréné, par la profondeur de ses personnages, par son atmosphère opaque et glauque et par une intrigue où tous les codes du thriller sont parfaitement maîtrisés. Une trilogie qui se termine avec un petit pincement au cœur et une certaine nostalgie. Notre docteur a décidément tous les talents !
C’est exactement ça, un jeu du chat et de la souris ;-). Une histoire qui a du chien.
Sacré talent ce Bauwen ! Oui, jusqu’à nous toucher