Aude Bouquine

Blog littéraire

C’est l’histoire d’un projet un peu fou : 2 écrivains, Amélie Antoine et Solène Bakowski décident d’écrire chacune un livre en partant d’un même point de départ, l’histoire de jumelles, Coline et Jessica. Toutes deux doivent se rendre au feu d’artifice du 14 juillet mais l’une a fait une bêtise et en sera privée. La mère, Patricia, n’emmènera que Jessica.
Près de l’étang où les festivités ont lieu, Patricia constatera qu’un lacet de chaussure de sa fille est défait.
A partir de là, les histoires changent :
Chez Amélie, le lacet sera refait
Chez Solène, il ne le sera pas
et de ce tout petit détail vont naitre deux histoires radicalement différentes.

“Il ne faut parfois pas grand-chose pour que tout bascule.”

Je ne vous connaissais pas Solène, et la lecture de ce livre me procure une joie immense à l’idée qu’il me reste encore des auteurs stupéfiants comme vous à découvrir !

J’ai commencé par “Sans Elle”, parce qu’Amélie je la suis depuis le début et que j’aime sa façon d’écrire, sa façon de raconter, sa façon de vous emporter dans son univers, monde dans lequel le temps n’existe pas.

Je me disais aussi : c’est elle qui va raconter l’histoire où l’une des jumelles disparait, le choc,  la panique, l’espoir, la destruction et la résignation. C’est elle qui rédige la partie de l’action, la partie “noire”, celle qui fait trembler le lecteur.
Naïvement, je pensais que la vôtre serait plus commode, plus douce, plus positive, puisque c’est celle dans laquelle il n’y a pas de drame, l’histoire dans laquelle au final il ne doit pas se passer grand chose puisqu’il n’y a pas de séparation.
Je me demandais ce que vous alliez bien pouvoir nous raconter dans ce roman, quand le lacet n’est pas refait et que la petite fille ne disparait pas.

Je dois dire que ma stupeur a été totale, et mon admiration grande de ce pouvoir que vous semblez avoir, vous aussi, de si justement décortiquer les émotions en 376 pages. Il faut en avoir des trucs à décortiquer pour noircir 376 pages !
376 pages d’une relation disséquée, parfaitement analysée :
De soeurs qui s’aiment puis se détestent
De l’une qui prend l’ascendant sur l’autre
“Cette soeur qui brille même dans son eclipse”
De l’une qui veut à tout prix exister et pour ce faire est prête à tout.
De l’autre qui subit, ramasse les miettes, efface les ardoises de sa jumelle, et semble n’exister que pour l’empêcher de déraper.
“Quand sa soeur n’est pas là, le manque est faramineux. Quand elle est à ses côtés, elle la hait autant qu’elle l’aime.”

Et puis, il y a ce secret de gosse, terrible, qui va dramatiquement changer l’avenir de leur relation.
Ce secret qui va les empêcher d’avoir un lien vrai, basé sur la confiance et l’honnêteté.
Ce secret qui installe des rapports faussés de dominante/dominée et empêche Coline de se rebeller, de dire stop, de s’éloigner.
Elle le dit plusieurs fois ” ça va mal finir “.
Oui ça va mal finir, on le sait, on le sent, et à chaque page on se demande où vous allez nous entrainer, vers quelle noirceur, quel horrible évènement qui pourrait expliquer comment elles vont en arriver là.
On attend que le secret soit révélé, et il ne l’est pas. Ca c’est puissant !
Vous n’avez pas cédé à la facilité, ni au désir impérieux du lecteur qui veut savoir ce que cette révélation va changer dans leur relation, comment Coline va réagir, et si elle va pardonner l’impardonnable.

Votre roman m’amène à réfléchir sur les relations toxiques que nous vivons parfois avec une personne de notre entourage : on sait qu’elles sont néfastes mais on les maintient quand même, on garde les liens, on trouve des circonstances atténuantes, des excuses pour pardonner, mais au fond de soi, on sait qu’on devrait s’éloigner, couper les ponts, arrêter, parce que sinon on risque d’en crever…

Cette analyse là est brillante.
Votre façon d’écrire prenante.
Votre connaissance des sentiments humains bluffante.
Je suis admirative de ce ton si juste qui donne à votre roman la pertinence, la justesse,  la puissance des mots qui fait naitre les émotions.
Chapeau Madame
Vraiment chapeau
Ce projet un peu fou était une sacré bonne surprise, un pari, mais un pari sacrément  réussi.

Dites-moi Solène, avez-vous une jumelle ???

A méditer :
“On a toujours une bonne raison d’accepter que les choses se passent comme elles se passent, de se résigner à ne voir aucune alternative. Sans doute est-ce parce qu’elles arrivent silencieusement, qu’elles s’installent insidieusement, à la faveur d’une inattention faible quoique continue, sans que l’on s’en rendre compte.”

Lien vers la chronique écrite pour “Sans elle”, d’Amélie Antoine
https://audebouquine.blogspot.com/2017/11/sans-elle-amelie-antoine.html

 

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