Aude Bouquine

Blog littéraire

C’est l’histoire d’un projet un peu fou : 2 écrivains, Amélie Antoine et Solène Bakowski décident d’écrire chacune un livre en partant d’un même point de départ, l’histoire de jumelles, Coline et Jessica. Toutes deux doivent se rendre au feu d’artifice du 14 juillet mais l’une a fait une bêtise et en sera privée. La mère, Patricia, n’emmènera que Jessica.
Près de l’étang où les festivités ont lieu, Patricia constatera qu’un lacet de chaussure de sa fille est défait.
A partir de là, les histoires changent :
Chez Amélie, le lacet sera refait
Chez Solène, il ne le sera pas
et de ce tout petit détail vont naitre deux histoires radicalement différentes.

“En un claquement de doigts, tout peut chavirer, irréversiblement”
Dans la dernière interview d’Amélie Antoine, elle répondait à cette question posée par Nicolas Elie
Q : Qu’est ce que tu en penses de l’académisme ? Des auteurs qui finissent par écrire le même livre à chaque fois ? Mettre les mots dans une cage ?
R : Je pense qu’on vit dans une société où il faut à tout prix coller des étiquettes aux artistes, pour pouvoir ensuite les ranger bien sagement dans une boîte. Tout est fait pour qu’un artiste fasse toujours la même chose, pour qu’il devienne une marque, quelque chose de sécurisant, de rassurant, tiens je vais acheter le dernier roman d’Untel, parce que je sais à  l’avance ce qu’il y aura à l’intérieur.
Tout est fait pour ça.
Je crois qu’il faut tout faire pour lutter contre.(…)
Il faut se battre pour lutter contre, sans se soucier d’entrer dans un moule (…), écrire ce dont on a envie ou besoin et pas ce que d’autres attendent.

J’ai presque envie de dire : tout est dit ! Amélie n’est jamais où on l’attend, c’est à mon sens ce qui fait sa force. Elle ne s’embarrasse pas non plus de savoir si un éditeur va la publier, elle écrit, et elle trouve ensuite une solution pour combler ses lecteurs.
A la lecture de ce livre, j’ai cogité “mais où veut-elle en venir Amélie ? Quand va donc arriver le twist que j’attends (celui auquel je suis habituée, celui qui rentre dans la case “Amélie” ?)”.
Et ça m’a justement fait penser à cette réponse qu’elle avait faite à Nicolas :
“Je ne suis pas là où on m’attend ”
J’attendais.
Elle n’y était pas.

Et pourtant ! Quel bouquin !!!

Tout d’abord, j’ai été séduite par la profondeur psychologique des personnages principaux :
La mère, Patricia, dure, froide, difficile à attendrir et pourtant terriblement humaine quand le sort s’acharne sur elle.
Le père, Thierry, démissionnaire, silencieux, presque déficient, soumis à l’autorité de sa femme.
Les Jumelles :
Jessica, la meneuse, tenace et énergique, celle qui suscite l’admiration et l’attention.
Coline, la résignée, celle qui trinque, qui subit, qui souffre en silence, qui passe à côté de sa vie en vivant par procuration

Puis, j’ai vraiment aimé la construction du roman.
La première partie évoque la déflagration liée au choc d’un événement qui vous tombe dessus inopinément : basculer, paniquer, comprendre, chercher, s’acharner, soupçonner, ruminer, tenir.
La seconde partie rappelle les grandes étapes du deuil : se souvenir, se détruire, stagner, oublier, jalouser, détester, surmonter, accepter, en finir.

Plusieurs thèmes sont également décortiqués en profondeur, dont certains brillamment: la gémellité bien sûr mais aussi le naufrage du couple, l’éclatement familial, la préférence filiale, la toxicité maternelle.
Je connais très peu d’écrivains capables d’explorer si précisément les émotions humaines et d’en parler avec autant de justesse et ceci en 396 pages !
C’est un exercice périlleux, redoutable, de haute voltige dont peu possèdent la dextérité.
Ce livre est une plongée au royaume des émotions : chaque chapitre provoque un frisson différent et renvoie à des émotions que nous avons tous vécues.
Amélie n’est pas l’écrivain d’un “genre littéraire”
On ne peut pas la mettre dans une case.
Amélie va où son coeur la porte et sa plume nous emmène dans les tréfonds de sa créativité littéraire.
Elle sait tout dire, tout écrire et le fait magistralement.

Lien vers la chronique écrite pour “Avec elle” de Solène  Bakowski
https://audebouquine.blogspot.com/2017/11/avec-elle-solene-bakowski.html

 

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