Aude Bouquine

Blog littéraire

Un oeil dans la nuit, Bernard Minier Bilan lectures d'avril 2023

« Un œil dans la nuit » se déroule sur une semaine. Le roman commence le mardi 21 juin pour s’achever le mardi 28 juin. Quatre cent quatre-vingt-quinze pages composent ce récit des nouvelles aventures du commandant Martin Servaz. Attention, tout au long du roman, Bernard Minier évoque des éléments des précédentes enquêtes du commandant, et forcément vous en divulgâche certaines issues. À vous de décider, si vous souhaitez les lire dans l’ordre, ce que je recommande vivement pour prendre toute la densité psychologique du personnage ou les découvrir en fonction de l’intérêt que vous portez à certaines thématiques. Le commandant Servaz est un homme abîmé, profondément détruit par son métier, et les gens qu’il a aimés et perdus. « Chaque fois que le téléphone sonnait à l’aube, il savait que l’océan de la nuit venait de rejeter un nouveau cadavre sur le rivage du jour. » Sa vie d’enquêteur ne lui a pas laissé beaucoup de répit, et dans « Un œil dans la nuit », son créateur a semblerait-il estimé qu’il n’en avait pas encore assez bavé… Ne vous attendez pas à une promenade de santé… Si les précédents tomes ont parfois été difficiles émotionnellement, celui-ci va générer des hurlements. « Il avait été tiré d’un rêve des plus déplaisant. Un rêve où il revoyait tous les morts qu’il avait laissés sur le bord de la route, tous ceux qui avaient prématurément quitté son existence, tous ceux qui avaient émaillé sa carrière de flic. »

Nous sommes très loin du conte pour enfants, et du « et ils vécurent heureux à la fin »… Le roman s’ouvre dans un hôpital psychiatrique « conçu pour réparer les âmes ». Le corps de Stan Du Welz, 45 ans, est retrouvé profondément tailladé à plusieurs endroits… les blessures ont beaucoup saigné et ceci ante mortem. Le tueur, très imaginatif, a placé dans la gorge de sa victime, quelque chose d’assez inhabituel. Si vous avez des phobies, préparez-vous, elles ne risquent pas de disparaître … Parallèlement, un autre patient qui occupait la chambre voisine s’est évadé. Or sa chambre était verrouillée… L’équipe de Servaz est dépêchée sur l’enquête. 

Autre lieu, autre atmosphère, arrive le personnage de Judith Tallandier, étudiante en cinéma. Elle se rend dans un coin perdu au fond des Pyrénées pour y rencontrer Morbus Delacroix, un réalisateur de cinq films seulement, adulé par toute une génération, qui a mis fin à sa carrière très brutalement à l’âge de 35 ans. Beaucoup de rumeurs circulent sur ce personnage. « On le disait misanthrope, arrogant, acariâtre, cynique, insociable, fou. » Un vrai poème d’amabilité et de bienveillance ce monsieur… « Cinéaste maudit ? Cinéaste culte ? Génie ou faiseur ? Surfait ou sous-estimé ? » Une belle partie du roman est consacré aux échanges entre Judith et Morbus.

« Un œil dans la nuit » plonge le lecteur dans l’univers du cinéma d’horreur. Bernard Minier a décidé d’adresser à ce genre précis plusieurs clins d’œil tout au long de la narration. Comme si, par un emboîtement de poupées russes très cinématographique, il était passé d’une vue très générale à des fragments très précis. J’imagine que les amateurs du genre y ont vu une multitude de références. Certaines sont citées comme le Shining de Kubrick, Rosemary’s Baby de Polanski, d’autres sont plus implicites comme des hommages à Stephen King ou à d’autres réalisateurs. L’ambiance du prologue m’a d’ailleurs énormément fait penser au Nom de la Rose. Vous trouverez en fin de roman une liste très intéressante de 150 films d’horreur, sélectionnés et visionnés par l’auteur, classés par dates de sortie. Ainsi vous pourrez vérifier l’étendue de vos connaissances et en ajouter quelques-uns à vos listes des films à voir. 

Si « Un œil dans la nuit » est un hommage au cinéma d’horreur, Bernard Minier parvient durant tout le roman à nous plonger dans cette atmosphère horrifique, comme si le récit était un film du genre où nous jouons notre propre rôle sans possibilité d’en sortir. Le fait que cela soit la thématique centrale et le fond du roman est assez exceptionnel, et remarquablement bien exécuté. Peut-être, lisons-nous ici le pendant du film maudit de Delacroix « Orpheus ou la spirale du mal » jamais sorti sur les écrans… Allez savoir ! Orphée est bien celui qui descend aux enfers pour retrouver une personne aimée. Il vous reste à découvrir qui est Orphée dans le roman. J’ai aimé la façon dont l’auteur pousse l’analyse très loin concernant la psychologie des fans de films d’horreur. Je ne m’étais jamais posé la question sous cet angle, et certaines phrases ont eu une résonance particulière. « Le cinéma d’horreur, nous parle de nous-mêmes, Judith. Il interroge nos peurs les plus profondes. La peur de la mort… la peur de la douleur… la peur de la maladie… la peur des ténèbres… La peur du monstre qui est en nous… » 

Si vous avez lu quelques chroniques de ce livre, vous savez qu’il a provoqué des hurlements. Je fais partie de ceux qui ont hurlé. Et de ceux qui en veulent s’en prendre physiquement à l’auteur. (😉) Comme dans les Sharko de Franck Thilliez, les deux personnages Sharko d’un côté et Servaz de l’autre subissent toutes les épreuves de leurs créateurs respectifs. Le problème est que le lecteur les connaît depuis si longtemps qu’il a l’impression qu’ils font partie de son cercle proche, voire de sa famille. Toucher à l’un ou à l’autre revient à toucher à un proche. C’est assez éprouvant et intéressant de constater à quel point ces personnages de fiction deviennent progressivement, au fil des tomes, des personnes réelles, intimes et familières. Presque des alter ego…

« Un œil dans la nuit » est un excellent cru qui se dévore. 

Chroniques des précédents tomes des aventures de Martin Servaz

Ma chronique de LA CHASSE, Bernard Minier – XO éditions, sortie le 1 avril 2021.

Ma chronique de LA VALLÉE, Bernard Minier – XO Éditions, sortie le 20 mai 2020

La chronique de Christine, blog evasionpolar

16 réflexions sur “UN OEIL DANS LA NUIT, Bernard Minier – XO, paru le 6 avril 2023.

  1. laplumedelulu dit :

    En pleine lecture je suis. Tous lus depuis Glacé. Après, j’offre les brochés à mon Frère, et je rachète en format poche. #teamservaz à fond. Comme quelqu’un de la famille. C’est tout à fait ça. Merci à toi Aude pour la chronique. 🙏😘

  2. Aude Bouquine dit :

    C’est génial de les lire dans l’ordre
    Tu me diras si tu as hurlé 😉

  3. laplumedelulu dit :

    Bien évidemment que je te dirai. 😊

  4. Yvan dit :

    Ce qui est bien quand on te connait bien, c’est qu’on peut parfaitement imaginer ta tête à la lecture de certains passages ! C’est fun 😉

  5. Aude Bouquine dit :

    Tu es sadique !!! 😉

  6. laplumedelulu dit :

    Orphée, ça me revient, il est temps, c’est celui qui a perdu son Euridyce ? Il est allé la chercher en enfer mais il ne devait pas se retourner pour la voir avant la sortie. Moi je dis, y a baleine sous gravier avec Monsieur Minier. 😂

  7. Je n’ai lu que les trois premiers tomes pour l’instant, mais du coup, j’ai très envie de continuer.

  8. Aude Bouquine dit :

    Prends le temps et lis les dans l’ordre si tu peux. C’est tellement mieux pour comprendre Servaz!

  9. laplumedelulu dit :

    Même pas fichue d’écrire Eurydice correctement. Bravo Valérie. Shame on me. 🙄😁

  10. laplumedelulu dit :

    Je n’ai pas hurlé à proprement parlé, je m’y attendais, mais j’ai une grosse boule dans la gorge. Je retourne à ma lecture. Bises à toi Aude 🥰

  11. J’ai bien imaginé mais tu aurais dû voir la mienne 🤣

  12. Non mais ce livre, je me suis dit non il peut pas, et je savais que tu ne le lisais pas encore alors je ne pouvais pas en discuter et moi qui demandait à Yvan tu en es où ?🤣🤣🤣
    Comme diraient les jeunes, une dinguerie ce livre!!

  13. Aude Bouquine dit :

    Attends tu n’as pas fini !!!

  14. brindille33 dit :

    Quel livre !
    Je les ai tous lu. Bernard Minier peut me faire rire avec son humour noir, m’extasier sur des instants d’écritures poétiques, et même dans ce livre arriver à me faire briller les yeux lors d’une intense émotion. Dans ce livre, j’ai retrouvé l’auteur que j’aime depuis son premier livre et suivants. Une littérature française de haut vol. J’ai adoré, j’ai été scotchée. Quant à la fin, punaise, il est fort, très fort. Un pur délice que d’avoir lu cette enquête.
    Geneviève-brindille33

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