« Le radeau des étoiles » est un récit d’aventures en pleine nature comme j’aime en retrouver aux éditions Gallmeister, un type de roman qui fait clairement partie de l’ADN de la maison d’édition. Bread et Fish sont deux enfants d’une dizaine d’années. Fish passe plusieurs étés consécutifs dans la ferme de son grand-père, et c’est là qu’il a fait la rencontre de Bread. Malgré le décès de son père, Fish a une enfance plutôt heureuse, ces étés au vert lui en apprennent énormément sur la nature, les plantes, comment en faire un environnement accueillant. Ce n’est pas le cas pour Bread qui vit avec un père alcoolique, toxique, qui le bat quotidiennement. Un soir, Fish ne peut plus ignorer les souffrances de son ami : il tire sur le père de Bread avec une arme à feu. Terrorisés par cet acte, mais profondément soudés, les deux enfants décident de partir loin. Ils rassemblent l’essentiel et se dirigent vers cette forêt « protectrice ». Là, ils construisent un radeau pour quitter l’endroit au plus vite. Pendant ce temps, des adultes ayant pris conscience de leur disparition se mettent activement à leur recherche, mais les gamins ont plusieurs cordes à leur arc et une débrouillardise qui frôle le génie. (Autant vous dire que moi a 10 ans, je serais morte de faim, gravement blessée ou morte tout court.)
« Le radeau des étoiles » est avant tout un récit sur l’amitié. La vraie. La sincère. La profonde. Ces amitiés qui commencent durant l’enfance, mais qui durent toute une vie. Ce qui frappe immédiatement dans cette amitié, c’est le sentiment de responsabilité de l’un vis-à-vis de l’autre, une obligation d’agir et de protéger. L’amitié au sens pur du terme relevant d’un certain idéalisme que nous, adultes, avons parfois oublié. Celle que les anglophones résument par un « No matter what… » Les garçons sont débrouillards et ont de la suite dans les idées. La construction du radeau pour fuir plus vite grâce à la rivière arrive très vite dans leurs esprits. Connaissent-ils suffisamment le cours de cette rivière ? Ont-ils conscience du danger ? Je vous laisse le découvrir. Disons qu’ils partent mieux armés que la plupart d’entre nous grâce à Fish notamment, et qu’ils sont capables de survivre dans un environnement tantôt hostile, tantôt bienveillant.
Le style d’écriture de Andrew J. Graff est très réussi : du pur « nature writing » dans la description des lieux. Après quelques pages, les endroits nous semblent familiers, nous voyons défiler les paysages sous nos yeux comme si nous les avions nous-mêmes traversés. L’auteur n’a pas pour autant oublié de créer une véritable atmosphère où la tension monte progressivement. Le danger, même s’il n’est pas proprement évoqué, est palpable. Il augmente crescendo au rythme des pérégrinations des deux garçons. Il n’a pas non plus omis de construire une histoire qui s’articule autour de cette fugue, en insérant une dimension psychologique saisissante grâce à l’insertion de plusieurs personnages, a priori secondaires, mais qui deviennent vite essentiels.
Ce qui est diablement réussi dans « le radeau des étoiles » c’est la dextérité avec laquelle Andrew J. Graff nous amène à comprendre à quel point cette fugue des garçons va changer, non seulement leurs vies, mais aussi et surtout les existences des adultes qui les cherchent. Ils vont se retrouver confrontés à leurs passés respectifs, leurs choix de vie, leurs doutes dans les décisions prises, mais aussi s’interroger profondément sur leurs décisions futures. Chaque protagoniste vit en réalité une crise existentielle qui se dévoile à cause de cet évènement, et cherche à devenir une meilleure version de lui-même. En alternant les voix du récit entre les garçons, et quatre autres personnages, cette montée plus psychologique et intime prend toute sa force dans le roman.
Pour un premier roman, j’ai trouvé « le radeau des étoiles » riche en émotions. Il met bien en lumière des valeurs que je trouve essentielles comme que la fraternité, le soutien, la synergie des forces vives, l’amitié sincère et presque viscérale, l’espoir du lendemain. Néanmoins, il y a certains points du roman qui m’ont un peu gênée (sans que cela n’entrave vraiment mon plaisir de lecture). Par exemple, beaucoup de descriptions des armes à feu en début de roman, la connaissance de ces armes et l’envie d’en posséder une m’a glacé le sang tant je ne peux pas comprendre cette obsession. Un point précis dans l’histoire, mais qui se déroule vers la fin de l’histoire a également posé question. Cela ne m’empêche que je vous recommander ce roman pour la poésie qui s’en dégage, l’amour et la connaissance de la terre, et les émotions qu’il suscite.
Une réflexion sur “LE RADEAU DES ÉTOILES, Andrew J. Graff – Gallmeister, sortie le 1er septembre 2022.”