Aude Bouquine

Blog littéraire

Par la force des choses de Claire Norton Bilan lecture septembre 2023

L’année dernière, j’avais eu la chance de découvrir Claire Norton avec « Le sens de nos pas ». Ce roman, que je n’avais pas chroniqué parce que je voulais le garder pour moi, m’avait laissé un fabuleux souvenir de lecture en raison des émotions qu’il avait générées. Il mettait en lumière une relation singulière entre un grand-père et une adolescente de quinze ans. J’avais alors été charmée par la plume de l’écrivaine, et par cette histoire, très émouvante. 

Cette année, Claire Norton sort un nouveau roman, « Par la force des choses ». Dans ce texte, elle s’attaque à l’histoire d’un amour fou, profond, presque immuable, entre une femme mariée, et un homme lui aussi marié. Chacun d’entre eux est parent, ce qui complique considérablement leur histoire, puisqu’avant d’être ensemble, il faut clore un chapitre de sa vie. 

« Par la force des choses » est le récit de cet amour qui défie le temps, l’espace et les conventions. Lisa a fait un mariage de raison. Elle a envisagé son couple comme un partenariat où chacun aide l’autre dans ses projets de vie. Victor s’est plongé dans son travail qui lui demande beaucoup de déplacements, et parfois des expatriations. Lorsqu’ils se croisent lors d’une soirée, la rencontre est magique. Elle restera cependant au rang d’un merveilleux souvenir. Quelques années plus tard, Lisa recroise cet homme qu’elle n’a jamais oublié. Un signe du destin ? Cette fois-ci, hors de question de le laisser s’enfuir, d’autant que l’attraction est réciproque. 

Leur liaison demeure cachée dans les premières années. Au rythme des déplacements de l’un, des obligations de l’autre, ils trouveront toujours un moyen de se retrouver. « Par la force des choses », pour vivre heureux, vivons cachés. Mais pour combien de temps ? L’un et l’autre savent qu’ils ont trouvé le partenaire de leur vie. Vivre ensemble devient leur principale obsession. Pour cela, de nombreux obstacles restent à franchir. Pour l’un, comme pour l’autre, ils devront faire face aux enfants, à la personne quittée et à d’immenses bâtons dans les roues de leur bonheur futur. 

Lisa n’a aucun doute sur l’honnêteté de cet homme. Victor est certain de l’amour de cette femme. Et pourtant, les choses ne seront pas si simples. Être ensemble, vivre leur amour au grand jour, devient un véritable chemin de croix semé d’embûches. 

Au rythme des chansons de Jean-Jacques Goldman, Claire Norton raconte les premiers pas de cet amour fou, les difficultés, les espoirs et les déceptions. Dans une première partie où tout est lumineux, malgré de douloureuses décisions à prendre, elle parvient à nous faire aimer ces deux protagonistes parce qu’on les sent sincères et entiers. Il est tellement évident qu’ils finiront ensemble, malgré ce prologue du lundi 24 décembre 2012 où Lisa attend désespérément l’homme qu’elle aime. 

Je me demandais quel serait le rebondissement que l’écrivaine imaginerait pour retourner l’histoire. Car, la connaissant, elle n’est pas du genre à verser dans la facilité. Je m’attendais à tout, sauf à ce qu’elle a imaginé. La seconde partie de « Par la force des choses » est terrible pour plusieurs raisons, qu’évidemment je ne dévoilerais pas. Mais c’est cette partie du roman qui m’a réellement captivé par les thématiques qu’elle y aborde. Le destin est facétieux, injuste, et cruel. 

Cela me fait penser à tous ces couples qui vivent ensemble et ne mesurent pas leurs chances. Dans notre entourage, nous connaissons tous des histoires d’amour impossible, des êtres séparés, des anecdotes douloureuses qui empêchent deux personnes de s’aimer. 

A contrario, la vie quotidienne, l’éducation des enfants, les difficultés professionnelles engendrent de sérieuses complications dans l’harmonie conjugale pour ceux qui ont la chance de s’être trouvés. 

Pourtant, nous ne savons pas profiter de ce qui a été si chèrement acquis. Nous oublions les premiers moments, ces instants qui ont rendu le « nous » possible. Le temps nous échappe, et avec lui, l’attention que l’on accorde à l’autre. Les années passent, et quand on prend le temps de regarder en arrière, on s’aperçoit de tout ce temps perdu… De toutes les fois où on n’a pas fait attention à l’autre, de tous ces mots qu’on n’a pas dits, de tous ces moments qu’on a gâchés, obsédés par des choses qui n’avaient finalement pas grande importance. Dans certains cas, il est impossible de faire marche arrière, parce que la vie vous rattrape. Toujours. 

C’est ce que je veux retenir de « Par la force des choses », une petite musique lancinante qui vient nous chuchoter qu’il n’y a jamais rien d’acquis. Peut-être que la solution est de s’octroyer parfois une fuite du monde. Une pause pour remettre l’essentiel au centre de nos vies. Pour rester dans la veine du roman, et parce que j’adore certains textes de Jean-Jacques Goldman, je citerai les paroles tirées de ma chanson préférée « Il y a ». 

« Il y a des odeurs de menthe

Et des cheminées

Et des feux dedans

Il y a

des jours et des nuits lentes

Et l’histoire absente

Banalement

Et loin de tout, loin de moi

C’est là que tu te sens chez toi

De là que tu pars, où tu reviens chaque fois

Et où tout finira (…)

Et plus la terre est aride, et plus cet amour est grand

Comme un mineur à sa mine, un marin à son océan

Plus la nature est ingrate, avide de sueur et de boue

Parce que l’on a tant besoin que l’on ait besoin de nous

Elle porte les stigmates de leur peine et de leur sang

Comme une mère préfère un peu son plus fragile enfant »

Il y a des moments où il ne faut pas perdre de temps, où l’on marche sur un fil sans le savoir et où l’on peut tomber d’un simple coup de vent…

Dans un autre genre, découvrez d’autres parutions chez Robert Laffont : les romans de Christophe Agnus

LA LISTE DE L’ÉCRIVAIN, Christophe Agnus – Robert Laffont, paru le 8 juin 2023.

 L’ARMEE D’EDWARD, Christophe Agnus – Robert Laffont, sortie le 10 février 2022.

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5 réflexions sur “Par la force des choses, Claire Norton

  1. Anonyme dit :

    Je nai pas lu ce, je ne connais pas du tout lauteure. Et pourtant j’aime beaucoup ta deuxième partie qui me parle, qui parle certainement à beaucoup, les contraintes, les enfants, les non dits qui nous accaparent. Les premiers émois que l’on oublie. Le temps qui n’arrête pas de filer.
    Merci pour cela.

  2. Aude Bouquine dit :

    Merci pour ce commentaire. Je ne suis pas la seule donc 😉

  3. laplumedelulu dit :

    Wooowww, tu as réussi à me coller des frissons, Aude. J’ai lu aussi « le sens de nos pas » et « celle que je suis » et « ces petits riens qui nous animent » . Claire est douée, très douée. Que ta chronique est belle. Merci à toi

  4. Pas du tout ma came, mais ton plaidoyer final est touchant et c’est vrai que j’ai souvent ce type de réflexions… se rappeler pourquoi et comment on en est arrivé là…

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