Aude Bouquine

Blog littéraire

L'hôtel des oiseaux de Joyce Maynard Rentrée littéraire août 2023.

« L’hôtel des oiseaux » est un roman sur la renaissance et la résilience d’une femme qui, petite déjà, a subi de terribles traumatismes. À 7 ans, en 1970, Joan perd sa mère dans une explosion causée par une bombe dans un sous-sol de New York. Elle est prise en charge par sa grand-mère qui lui fait jurer de ne jamais parler de sa mère ni de cette explosion. Joan doit effacer sa vie précédente, et s’en construire une nouvelle. Pour cela, elle deviendra Amélia. Les années passent, Amélia, continue de vivre dans le secret. C’est une artiste. Un homme partage sa vie, elle est maman d’un petit garçon. À nouveau, le destin vient frapper à sa porte, une nouvelle tragédie fait voler son existence en mille morceaux. Incapable de faire face, Amélia décide de partir sans but précis. Loin : sa seule envie, son seul besoin. Elle atterrit dans un pays d’Amérique centrale, puis dans un hôtel, La Llorona, qui ressemble à un conte de fées, où la propriétaire Leila l’accueille chaleureusement. Ce havre de paix, « Juste le ciel, l’eau et le volcan », loin du monde et de ses vicissitudes, vont permettre, éventuellement, à Leila, de réfléchir, de guérir, et de se reconstruire. 

« L’hôtel des oiseaux » raconte la rencontre de deux femmes. Amélia, traumatisée, dans la douleur, ne sachant plus très bien quelle direction donner à son existence et Leila la mystérieuse propriétaire de l’hôtel, un hôtel dont peu de gens ont entendu parler. Et pour cause, « Je ne fais pas de publicité pour La Llorona. Les gens dont le destin est de venir ici trouvent le chemin. » La première est retranchée dans son passé et son chagrin, la seconde est mystérieuse, mais riche des expériences vécues par les hommes et les femmes qui ont séjourné dans son hôtel. « Beaucoup d’histoires se sont déroulées à cet endroit. Certaines heureuse, d’autres à vous briser le cœur. Tous ceux que j’ai rencontrés venaient ici, poussés par une quête ou une autre. Ils n’ont pas toujours trouvé ce qu’ils cherchaient, mais ils ont en général trouvé ce dont ils avaient besoin. »

Ne vous attendez pas à un roman où l’on tourne les pages avidement, comme si on était à la recherche d’un mystère à résoudre à tout prix. Joyce Maynard prend son temps pour aider son lecteur à imaginer les lieux, et à rencontrer ces deux femmes. Dans « L’hôtel des oiseaux », la nature a une importance prépondérante, car autour de l’hôtel, elle est luxuriante. Le jardin à lui seul est d’une beauté à couper le souffle, et peut être utilisé pour de nombreuses méditations, ou simplement pour ne penser à rien. Ce n’est pas si facile, lorsqu’on est dans la douleur de faire le vide, et de déconnecter son cerveau pour apprécier le moment. En ce sens, vivre par procuration à la Llorona, permet au lecteur un temps de pause dans sa vie. J’ai beaucoup apprécié ce temps de repos, comme une trêve entre moi et moi-même pour arrêter le temps. 

Alors, évidemment, même en fuyant, au bout du monde, on ne peut pas éternellement, se fuir soi-même. La vie reprend toujours ses droits, et c’est sans doute, en ce sens, qu’elle nous sauve de bien des manières. L’hôtel doit être rénové, les clients accueillis, les problèmes résolus. Car, même au paradis, certains démons reviennent toujours nous hanter, quand la vie ne nous réserve pas plus de surprises. Je n’en révélerai pas plus sur l’histoire à proprement parler, mais vous vous doutez bien que Joyce Maynard n’a pas écrit 560 pages de méditation contemplative. Elle nous réserve même quelques surprises que personnellement, je n’avais pas vues venir. 

Outre l’ambiance, j’ai beaucoup aimé la relation entre Amélia et Leila, l’une paumée et l’autre comme investie d’une mission de sauvetage des âmes perdues. Puis, j’ai été très sensible, à la façon dont Joyce Maynard aborde la reconstruction d’Amélia. Comme dans la vie, elle laisse du temps au temps, et comme dans la vie aussi, son esprit, ses préoccupations disparaissent au profit d’autres, devenues plus importantes. 

Dans « L’hôtel des oiseaux », il est également beaucoup question de l’instinct maternel, de maternité, de désir d’enfant, et de moyens pour y parvenir. C’est un roman sur la vie, mais également sur la mort. La nature y est toute puissante, et nous rappelle sans cesse que nous ne sommes que des invités ici-bas. Joyce Maynard aborde également les différences culturelles, les difficultés de la population indigène, la pauvreté et l’entraide commune qui nous donnent notre humanité, car fraternité et solidarité se conjuguent dans les deux sens. Ce livre est un hommage à l’endroit où l’auteur vit une bonne partie de son temps depuis plus de 20 ans. Il a fallu le défendre face à la fameuse « appropriation culturelle ». Elle, femme blanche non indigène, comment pouvait-elle se permettre ? 

Si vous avez besoin d’un peu de temps pour vous recentrer sur vous, grâce aux autres, lisez ce roman. Joyce Maynard possède l’art de décrire les émotions féminines et les épreuves auxquelles sont confrontées beaucoup de femmes. Sa plume est délicate, sensible et poétique. À travers ses textes, il est possible d’entrevoir la femme qu’elle est, et ce qui la touche. Je n’ai pas encore fini de découvrir ses œuvres, mais je vous recommande vivement son roman « Où vivaient les gens heureux » paru en 2021 aux éditions Philippe Rey, grand prix de littérature américaine 2021 qui avait été un énorme coup de cœur.

OÙ VIVAIENT LES GENS HEUREUX, Joyce Maynard – Philippe Rey, sortie le 19 août 2021.

Découvrez le compte Instagram de Flo Hérisson qui a également chroniqué ce roman.

 

10 réflexions sur “L’HÔTEL DES OISEAUX, Joyce Maynard – Philippe Rey, paru le 24 août 2023.

  1. Bouquindom dit :

    Je l’avais repéré mais ta chronique me conforte. Ce roman doit ressembler à un anxiolytique.

  2. Aude Bouquine dit :

    C’est un peu ça oui, le mot est parfaitement trouvé 😉

  3. laplumedelulu dit :

    Quelle jolie chronique encore une fois. Merci à toi 🙏 😘

  4. Aude Bouquine dit :

    Avec plaisir ❤️

  5. Yvan dit :

    Une chronique tout en sensibilité, à l’image du livre visiblement

  6. J’aime beaucoup Joyce Maynard et j’ai très envie d’un moment de douceur 🙏🏻
    Merci Aude 😊

  7. Sylvie Gasq dit :

    Etant fan de cette autrice, je lirai ce livre de Joyce Maynard et ton avis me conforte. J’avais tellement aimé l’année dernière « Où vivaient les gens heureux » et d’autres romans …

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