Aude Bouquine

Blog littéraire

La dernière maison avant les bois de Catriona Ward Mes romans inoubliables des six premiers mois de 2023

« La dernière maison avant les bois » de Catriona Ward présente une famille un peu étrange qui vit au bout de « Needless Street » (partie du titre en version originale) : un homme à l’hyper vigilance chevillée au corps, une petite fille qui se met souvent en colère et un chat qui parle. Ils sortent très peu de chez eux, et vivent barricadés. Cette maison est leur refuge, leur royaume, même si certains laissent entendre qu’ils aimeraient bien pouvoir respirer l’air du dehors. Le roman s’ouvre sur l’anniversaire de la disparition d’une enfant : une journée en famille, un lac, une glace à l’eau et la disparition brutale de Lulu 6 ans. Seule sa sœur Dee la cherche encore… onze plus tard. Elle s’installe alors dans la maison à côté de celle de Ted, l’homme suspecté à l’époque, persuadée que c’est lui le responsable et qu’il détient toujours sa sœur en captivité. 

Dit comme cela, le pitch est simple. Une disparition d’enfant, une enquête, un suspect présumé, une sœur qui demande réparation. Sauf que… rien ne l’est. Les apparences sont trompeuses dans « La dernière maison avant les bois », les illusions nombreuses, les cartes brouillées en permanence. L’alternance des voix souffle le chaud et le froid, entremêle réalité et illusions, fracasse à la vitesse de l’éclair ce que le lecteur croit comprendre en lui prouvant sans cesse qu’il n’a rien compris. Rien n’est aussi limpide qu’il y paraît… Patience… 

Patience est le mot d’ordre pour aborder ce livre. La dernière maison est nappée de brouillard. De temps en temps, quelques indices surgissent pour disparaître aussitôt. Il faut accepter de ne pas tout comprendre immédiatement et suivre l’auteur les yeux fermés. Le temps du flou artistique est assez long, mais il faut en passer par là pour savourer ensuite tout le génie de Catriona Ward, pour la laisser mettre en lumière des thématiques qui lui tenaient à cœur. 

En dehors des chapitres consacrés à Dee, la sœur de Lulu, l’essentiel de « La dernière maison avant les bois » est finalement un huis clos entre ces trois personnages qui vivent dans cette maison cadenassée de l’intérieur. Ted est sans aucun doute le personnage le plus complexe jamais rencontré en littérature de genre, mais aussi, de fait, le plus intéressant. Le lecteur se rend bien compte qu’il cache d’inavouables secrets dont certains doivent être terribles et pourtant, l’attachement envers lui est immédiat. Ses séances chez l’homme-scarabée laissent entrevoir des failles qu’il passe pourtant beaucoup de temps à tenter de dissimuler. Derrière ce personnage a priori détestable, peut-être coupable d’un crime abject, se cache un être en grande souffrance qui ne demande qu’à aimer et à être aimé. Cet insatiable besoin d’amour est omniprésent, il transpire à travers les relations de Ted avec sa fille Lauren ou avec son chat Olivia. Même si chacun semble avoir ses secrets, leur relation est sans égal, et sans aucune commune mesure avec ce que nous connaissons relevant du domaine du tangible. Vous verrez, vous apprendrez à l’aimer vous aussi. 

« La dernière maison avant les bois » associe puissance des personnages et ambiance anxiogène. Au bout de « Needless Street », quelque chose ne tourne pas rond. Le lecteur se sent en sécurité, puis totalement en danger. Comme ses certitudes, ses incertitudes volent au centre d’un tourbillon où l’empathie frôle le doute. Le cerveau est une arme redoutable, il ne se laisse pas manœuvrer si facilement. Et pourtant, celui du lecteur est manipulé sans arrêt… Et si tout ce que je venais de vous dire plus haut n’était qu’un ensorcellement pour mieux vous endoctriner ? Vous y pensez à ça ? Peut-être que Ted fait aussi partie un peu de moi maintenant que je sais qu’il existe ? « Les pensées sont une porte qui franchissent les morts. » Peut-être qu’il fera partie de vous si vous prenez le risque d’entrer dans ce livre…

Catriona Ward réussit ici à révolutionner un genre dont je pensais avoir fait le tour. Elle le fait de main de maître pour décupler notre plaisir de lecteur. Oui, on peut encore être surpris, à condition d’être patient…. Plaisir de lecture garanti, absolu, pour qui cherche originalité et audace. 

Lien vers le catalogue Sonatine 2023

Lien vers Babelio pour d’autres avis sur le roman

14 réflexions sur “LA DERNIÈRE MAISON AVANT LES BOIS, Catriona Ward – Sonatine, paru le 16 février 2023.

  1. Comme je le pressentais, cette troisième chronique que je lis ce matin sur ce titre me confirme qu’il me faut le découvrir 😊.

    1. Aude Bouquine dit :

      Oui, oui et encore oui 🙌.

  2. Secrets et huis clos… ça me tente !

  3. laplumedelulu dit :

    Tu t’en es bien tirée toi aussi Aude. Nous tenter sans trop rien dire. Merci à toi pour la chronique 🤗😘

    1. Aude Bouquine dit :

      Merci ☺️ pas facile à chroniquer ce livre !

      1. laplumedelulu dit :

        J’ai mis mes bouées, pour ne pas me noyer dans ma salive. Et Yvan qui en remet une couche. 😂

  4. Yvan dit :

    Arrête de nous ensorceler avec tes chroniques ! 😉

    1. Aude Bouquine dit :

      Je teste mes pouvoirs. Ensuite, je choisirai les victimes de ma magie noire 🤣

      1. Yvan dit :

        ils sont puissants, ça fait peur 😉

    2. laplumedelulu dit :

      Je crois qu’elle le fait exprès. Surtout après avoir lu le bouquin sur les filtres des magiciennes. 😂

  5. Anonyme dit :

    Je suis excitée 😇

    1. Aude Bouquine dit :

      Je comprends !!!

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