« L’énigme de la Stuga » est le sixième roman de Camilla Grebe traduit en France. Dans ce récit en deux temps, l’auteur oscille entre passé et présent. Lykke Andersen, éditrice de renom est mariée à Gabriel Anderson. Ensemble, ils ont eu des jumeaux Harry et David. Dans le passé, ils préparent une grande fête dans leur maison familiale. Dans le présent, Lykke se retrouve au service médico-légal d’un hôpital où elle est examinée. « J’ai l’impression d’être un chantier de fouille analysé et débattu par des archéologues. Mon corps est devenu un vestige où se cache peut-être la réponse à une énigme. » Elle sera mise en examen pour homicide volontaire avec ou sans préméditation. On ne sait pas de quoi elle est accusée, mais elle demande à être entendue par Manfred Olsson, enquêteur spécialisé dans les homicides à la brigade criminelle. Elle avait déjà eu affaire à lui, huit ans plus tôt dans le cadre d’un autre drame qui s’est joué à son domicile. En effet, lors de cette grande fête de célébration de l’écrevisse, une amie très chère des jumeaux, Bonnie a été retrouvée morte au petit matin dans la Stuga, petite cabane annexe à la maison familiale dans laquelle les jumeaux avaient établi leurs quartiers.
« L’énigme de la Stuga » navigue entre la disparition de cette jeune fille huit ans plus tôt et la détention de Lykke. Que s’est-il passé cette fameuse nuit de fête ? Pourquoi cette femme est-elle aujourd’hui en détention provisoire ? Les deux affaires sont-elles liées ?
Comme souvent, dans les romans de Camilla Grebe, le lecteur découvre les personnages au commencement, la façon dont ils se sont rencontrés, leurs métiers respectifs, leur mariage, l’arrivée des enfants. Dans la 4e de couverture, il est spécifié que Lykke mène une vie heureuse, mondaine et épanouie. Dès les premières pages du livre, j’ai immédiatement ressenti un malaise… Cette femme fait semblant. Au fond, elle n’est pas si heureuse que ça. Il y a beaucoup d’agitation autour de ce couple, beaucoup d’alcool, beaucoup de fêtes, mais aussi pas mal de critiques et de reproches sous-jacents quand on veut bien lire entre les lignes. Évidemment, ces récriminations semblent plus fortes encore dans la partie consacrée à l’arrestation de Lykke, mais elles étaient déjà là huit ans plutôt. Sous des airs où tout semble aller merveilleusement bien se cachent des secrets, des critiques et des reproches.
Dans ses romans précédents, Camilla Grebe œuvre souvent pour la cause des femmes, violences conjugales, harcèlement moral, prise d’ascendance de l’un sur l’autre, difficultés du couple mixte par exemple. Chacun de ses textes touche à l’intime. Ici, dans « L’énigme de la Stuga » l’auteur traite du statut de mère, de tout ce que cela implique sur le plan de la protection vis-à-vis de ses enfants, et du positionnement de la femme mariée face à la celui de la mère. En cas de crise, qui protégera-t-elle ?
Le problème avec ce sixième roman est la similarité de construction avec les romans précédents. Le lecteur se retrouve dans une même dynamique. Deux voix, deux temporalités, deux événements à élucider. Même si la lecture se fait avec un certain plaisir, et que l’on aime retrouver les personnages, la mécanique narrative et la mécanique du suspense sont exactement les mêmes que dans les autres romans. À mon sens, il n’y a aucune prise de risque, l’auteur reste en terrain connu, un terrain qu’elle maîtrise à la perfection et dans lequel elle s’épanouit pleinement. Sauf que… le lecteur, lui, commence à connaître la chanson, à savoir comment Camilla Grebe procède, où elle placera ses twists et ses révélations, comment elle s’y prendra pour retourner les situations surtout quand il a l’habitude de cette façon de faire. Il la voit venir à des kilomètres. Il en résulte que, très tôt, je savais qui était le coupable du décès de Bonnie, huit ans plus tôt, mais aussi qui Lykke était accusée d’avoir tué. Cela est fort ennuyeux, surtout lorsqu’on est censé avoir affaire à un puzzle habilement construit, qui rend hommage au mystère des mystères, c’est-à-dire trouver le coupable d’un meurtre qui s’est déroulé dans une pièce fermée de l’intérieur, puis d’en déduire qui est la victime dans le présent avec une telle facilité.
Je pense que c’est la similarité des codes d’écriture qui m’a permis de deviner aussi vite. Même si la lecture reste agréable, l’absence de prise de risque dans la construction et le fait de décliner encore une fois le même procédé, la même façon de faire dans ce nouveau roman a eu raison de mon enthousiasme et de ma patience. Je préfère avoir des objections sur l’intrigue en elle-même que sur la copie conforme de la forme narrative.
« L’énigme de la Stuga » reste agréable à lire, mais ne révolutionne pas le genre malheureusement…
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L’HORIZON D’UNE NUIT, Camilla Grebe – Calmann-Lévy, sortie le 9 février 2022.
Dommage cette non prise de risque. Ce sont des bouquins dont je n’ai plus envie de lire quand le même shema se reproduit de livres en livres.
C’est trop prévisible…
Faut que je lise le meilleur d’après Nadia, l’archipel des larmes. Merci pour ta franchise Aude. 🤗😘
J’ai, comme toi, besoin maintenant de davantage d’originalité, d’ambiances différentes. Je ne doute pas que ce livre soit efficace et bien fait, mais ce n’est pas ce que j’attends en ce moment
Pas encore découvert cette auteure, mais je suppose que pour se faire, d’autres titres sont plus appropriés !
Oui tout à fait. Je recommande L’Archipel des larmes ou l’horizon d’une nuit 😉
Il me semble que ce livre n’est justement pas similaire aux précédents en ce sens qu’il ne pose pas la question « qui a tué? » mais « pourquoi personne ne capte les indices désignant l’assassin? ». Enfin, c’est une piste que j’explore tandis que je lis ce roman.