« On a deux yeux pour voir » est le second album de Baptiste Beaulieu, illustré par Qin Leng et paru aux Éditions Les arènes. Comme d’habitude, l’écrivain utilise ses expériences personnelles de médecin généraliste pour étayer les messages qu’il envoie au monde. Ici, une expérience fondatrice dans sa carrière : une intervention marquante au sein du SAMU, lors de son internat de médecine. Il s’est servi d’un évènement très particulier pour concevoir cet album. (explications données à la fin de l’ouvrage.) Dans « On a deux yeux pour voir », il est question d’un enfant qui regarde la nuit par la fenêtre de sa chambre. Quand la nuit descend sur son visage, l’étoile Polaire et la lune se sont posées dans ses yeux. Au réveil, l’enfant a désormais deux yeux différents : une prunelle qui ressemble à un croissant de lune, et l’autre à une étoile.
« La lune, c’était comme un sourire. L’étoile, on aurait dit un oursin. »
« On a deux yeux pour voir » est donc l’histoire de cet enfant qui va voir les choses différemment. Ce qui est très intéressant dans cet album jeunesse, c’est la possibilité de le lire à la fois à un enfant qui le comprendra peut-être au premier degré, mais aussi de le lire « en adulte » et de l’entrevoir d’une tout autre manière. Baptiste Beaulieu choisit d’aborder métaphoriquement la façon dont on peut percevoir les choses. Le verre à moitié vide, ou le verre à moitié plein. Optimisme et/ou pessimisme.
« Son œil en forme d’étoile verra tout ce qui est triste, mauvais ou cruel, et son œil en forme de lune ce qui est bon et joyeux. »
Comme souvent avec Baptiste Beaulieu, il y a toujours une substantifique moelle à extraire de ses textes, et des interrogations personnelles à verbaliser. Et moi ? Comment vois-je la vie en général ? Suis-je d’un naturel confiant ou alarmiste ? Quel oeil me sert de guide ? Mon oeil lune ou mon oeil étoile ?
L’enfant de l’histoire comprend rapidement que l’on peut se servir de ses deux yeux, voir à la fois la détresse et la joie, voir la solitude et la compagnie, profiter de la vie et anticiper la mort. « D’ailleurs, on devrait inventer le verbe “pleur-rire”. »
« On a deux yeux pour voir », met la lumière sur les émotions qui nous traversent durant toute la vie. Nous avons tous connu des moments de grand bonheur, et des instants de tristesse infinie. Ces émotions, positives ou négatives, font partie de notre humanité.
« Il existe des chagrins merveilleux et des larmes précieuses comme des diamants : il ne faut pas les craindre, ce sont les traces que quelque chose de beau a existé ! »
Dans cet album, l’enfant aux yeux de lune et d’étoile est placé dans toutes sortes de situations différentes qui provoquent une arrivée massive d’émotions disparates. Pour chacune de ces situations, il analyse les choses de façon très détaillée en essayant d’être constructif et lucide. En somme, il parvient à faire ce que nous, adultes, sommes souvent dans l’impuissance de voir.
« N’oublie pas que tu as deux yeux pour voir, pour tout regarder en entier. »
Où est passée notre âme d’enfant ? À quel moment l’avons-nous perdue ? Comment parvenir à la récupérer ? Sommes-nous en mesure de surmonter les difficultés de l’existence tout en nous émerveillant encore des petits bonheurs du quotidien ? Parvenons-nous encore à tendre la main à ceux qui vivent dans le chagrin ? Je vous avais prévenus : il y a tant de questions à se poser et de réponses à trouver lorsque l’on ouvre un ouvrage écrit par Baptiste Beaulieu. Ça questionne, ça remue, ça émeut.
Je vais lui laisser le mot de la fin :
« Les livres, c’est magique, ça permet de se reconnaître sans s’être jamais vus. »
Parution le 21 septembre 2023.
Les gens sont beaux, Baptiste Beaulieu et Qin Leng.