« Les gens sont beaux » est un album jeunesse écrit par Baptiste Beaulieu et illustré par Qin Leng. Comme dans la plupart de ses ouvrages, Baptiste Beaulieu fait profiter de son expérience de médecin généraliste pour aborder des sujets de société importants. Ici, puisque c’est un album à destination des jeunes enfants, il choisit de parler du corps. Car, « Les corps vont toujours avec une histoire. »
Dans un monde idéal, on pourrait commencer à lire cet album à de tout jeunes enfants, pour leur faire comprendre que le corps est à la fois précieux, et singulier. Imaginez un peu que « Les gens sont beaux » soit un vœu pieux. Imaginez encore qu’on pourrait façonner toute une nouvelle génération qui n’aurait cure du corps des autres. J’entends par-là, qu’ils ne verraient ni la couleur de peau, ni la grosseur ou la maigreur, ni une cicatrice que l’on cherche parfois à cacher. Ils verraient simplement au-delà. Si vous observez les plus jeunes enfants, j’ai pu le constater avec ma dernière fille, ils ne font pas la différence de la couleur de peau, ils ne s’attachent pas à savoir comment est le corps de l’autre. Ce qu’ils veulent c’est jouer, c’est sourire et s’amuser. Imaginez un monde où nous aurions tous gardé cette âme d’enfant qui ne voit pas la boîte, seulement ce qu’il y a à l’intérieur. On a toujours le droit de rêver, et grâce aux mots de Baptiste, même le droit d’espérer que le monde sera un jour moins crétin.
Dans « Les gens sont beaux », le grand-père de l’histoire est médecin et porte sur son visage une cicatrice. Il explique à son petit-fils que « Cette trace, c’est mon histoire. ». Ensemble, ils partent dans les rues de Paris. Au fur et à mesure de leurs pérégrinations vers la Tour Eiffel, ils rencontrent des gens que le grand-père a croisés durant son métier.
Il y a Hakim, un monsieur au dos tout tordu parce qu’il a passé sa vie à poser du carrelage.
Il y a Maryline, une femme qui fait des poussées d’eczéma à cause d’humiliations subies au bureau.
Il y a Lionel, un peu moins efficace dans son travail, car il est devenu papa et ne dort pas beaucoup.
Il y a Rebecca que les garçons embêtaient tant, qu’elle a fini par mettre un peu « d’épaisseur entre elle et eux ».
Il y a Antoine, qui a contrario s’est affamé pour devenir invisible.
« Gros ou maigre, tout le monde est beau. Tout le monde. La beauté est partout chez les gens. »
Baptiste Beaulieu est la voix de ceux qui n’en ont pas : harcèlement au travail, harcèlement moral, harcèlement sexuel. Pour chacun, l’histoire de sa vie est tatouée sur son corps. Faites le test pour vous-même, regardez ce qui vous gêne, explorez vos complexes pour mieux savoir ce qui se cache derrière eux. Vous verrez, chaque partie de ce que vous n’aimez pas raconte quelque chose de vous.
« Je vais te confier un secret : un être humain, c’est comme une histoire et quand tu connais cette histoire, ça change tout. »
Nos corps font notre humanité. Pour certains, il est très facile de vivre avec son corps. Pour d’autres, cela est presque impossible. Notre rapport au corps est ambigu, et jamais figé. Il évolue en fonction de notre âge, puisque le corps lui aussi change. Certaines phases sont plus faciles à accepter que d’autres. Nous, les femmes, le savons bien. Il y a une injustice physique manifeste lors des différentes étapes de nos vies. Baptiste Beaulieu illustre très bien ce propos en utilisant notamment comme exemple Yaya, la grand-mère qui dans sa jeunesse s’est infligé des dommages malencontreux pour « effacer » quelque chose qu’elle n’aimait pas. Reconnaissons que nous, les femmes, tentons parfois sur nos corps des choses, que nous finissons souvent par regretter…
« Les gens sont beaux ». C’est tellement indispensable de le rappeler en ces temps troublés où l’on inflige aux corps des blessures irréversibles…
Lisez cet album à vos enfants, faites-leur comprendre que la différence est une richesse, et que, quelles que soient nos cicatrices, elles méritent d’être racontées.
Album publié aux Arènes le 13 octobre 2022.
Il me fait bien envie, j’aime sa sensibilité. J’aime ton retour. Je veux retrouver mon âme d’enfant
Moi aussi. Cet homme me touche infiniment
Baptiste t’a ensorcelée encore une fois. Merci à toi pour la chronique 🙏 😘
Très beau album jeunesse ^^
Je crois que c’est le bon mot : ensorcelée 😘
Oui tout à fait. Et je viens de lire le dernier ♥️
Je pense aussi. ❤️
Quand je lis tes mots, je ne peux m’empêcher de penser au personnage de Swan dans Swan Song et à ce que lui dis l’un des personnages à un moment donné : « Oh, moi j’en ai vu, des gens qu’étaient vraiment très beaux et qu’avaient des visages affreux, monstrueux au-dedans. Et aussi des gens qui payaient pas de mine, avec des dents tordues et des gros nez, mais qui avaient tout l’éclat du Ciel dans les yeux, et on sait tout de suite que si on voyait leur visage du dedans, on en tomberait par terre de beauté. ».
Je n’ai pas encore lu Swan Song mais il est dans ma PAL. Effectivement cette citation est très actuelle 🤫