Anouk Shutterberg m’avait épatée l’année dernière avec « Jeu de peaux », un thriller d’excellente facture, véritable invitation au voyage et plongée dans l’art contemporain. J’avais été fascinée par son habilité à m’emporter dans le monde de l’art et du tatouage, et dans l’incapacité de refermer son roman tellement je l’avais trouvé bon et immersif. Elle revient cette année avec « Bestial », toujours édité aux éditions Plon. Si l’on retrouve certains personnages de « Jeu de peaux » auxquels je me suis beaucoup attachée, elle change de lieux et de thématiques pour une nouvelle enquête qui fait froid dans le dos.
En 2007, 5 jeunes filles âgées d’une douzaine d’années disparaissent. En 2019, bis repetita, enlèvement de 5 autres adolescentes. En 2020, Mathilde disparaît en plein Paris alors qu’elle visitait la capitale avec sa famille. C’est le Commandant Stéphane Jourdain qui est chargé de l’enquête, secondé par la Capitaine Lucie Bunevial désormais riche et célèbre grâce à l’héritage Rizzoni (voir premier tome).
Autant dire que « Bestial » n’est pas un roman pour fillettes. Il explore toute l’abomination de la nature humaine et porte un regard sévère, mais juste sur de petites combines susceptibles d’enrichir certains sur le dos d’autres. C’est David contre Goliath. Des spécialistes du crime organisé contre de jeunes et frêles jeunes filles innocentes qui ne connaissent rien de la vie, mais vont rapidement être « mises au pas ». « Bestial » est construit sur une alternance entre l’enquête en cours et le vécu des jeunes filles enlevées. Ce procédé, qui, comme l’alternance des temporalités, est celui que je préfère puisqu’il confère au récit un rythme effréné, un véritable tempo haletant qui autorise à peine une respiration entre chaque chapitre. Anouk Shutterberg a énormément travaillé la cadence (me semble-t-il), grâce à des chapitres courts, des dialogues percutants, des scènes qui font considérablement monter la température corporelle. Il n’y a aucun temps mort entre les pages et « Bestial » a l’immense avantage de pouvoir se lire d’une seule traite pour entretenir sa tachycardie. À mon sens, l’écriture est très visuelle, souvent sensorielle, notamment olfactive, ce qui est, pour moi, la signature des grandes plumes. J’ai retrouvé dans ce texte l’ambiance anxiogène et la signature acoustique d’auteurs tels que Jérôme Camut et Nathalie Hug, ou encore Ghislain Giberti, mais attention, avec une véritable identité propre à Anouk.
Si le roman emporte son lecteur dans la folie humaine, les trafics en tout genre, l’opacité du Dark web, le rayonnement criminel à l’échelle européenne (décidément, les Albanais de certains romans sont très inventifs !), Anouk Shutterberg aborde aussi des thématiques plus compatissantes envers les victimes comme le deuil, la perte d’un enfant, la détresse émotionnelle la plus viscérale. Une partie du roman est consacré aux victimes, ce qui apporte un peu de lumière au cœur de toute cette obscurité.
Anouk Shutterberg fait partie de cette génération d’auteurs à suivre tant sa plume est réaliste et ses intrigues bien construites. Elle utilise un bon dosage entre violence par nécessité de l’enquête et moments plus « apaisés » pour compenser l’aspect barbare et sadique de certains de ses protagonistes. Dans « Bestial », elle s’attache à mettre en lumière l’imagination débordante de criminels sauvages sans aucune humanité et c’est très réussi. Je ne peux que vous encourager à découvrir ses romans.
JEU DE PEAUX, Anouk Shutterberg – Plon, sortie le 1 avril 2021.
“Jeu de peaux” faisait partie de MON TOP 2021, LITTÉRATURE DE GENRE.
Il est dans ma liste de mes envies ! je ne lis que de bons avis à son sujet 🙂
Bonne journée !
Rien que le titre, c’est waouhh. Alors ta chronique, n’en parlons pas. Merci à toi Aude. Je note🙏😘
Je suis justement plongée dans son premier que j’adore, celui-ci ne traînera pas dans ma PAL !
Le premier est vraiment génial 👍
Je confirme, j’ai adoré !
Lu et approuvé 😉