Aude Bouquine

Blog littéraire

La quatrième de couverture de « L’ami imaginaire » en dit très peu. De toute façon, c’est un roman impossible à résumer, encore moins à « genrer ». Je suis bien en peine de vous dire ce que j’ai réellement lu… Juste vous dire que c’est un des ovnis les plus incroyables qui me soit tombé entre les mains ces dix dernières années. Christopher et sa mère Kate fuient le Michigan pour échapper à Jerry, le conjoint violent de Kate. Ils atterrissent dans une communauté de Pennsylvanie, Mill Grove où Kate trouve rapidement un emploi. Près de leur maison, la forêt est un merveilleux terrain de jeux pour ce petit garçon qui a des difficultés d’apprentissage à l’école et des problèmes de socialisation. Un jour, après l’école, alors qu’il attend sa mère, un événement un peu particulier va l’amener à pénétrer dans cette forêt. Il va y disparaître et ne réapparaître que 6 jours plus tard sans pouvoir expliquer ce qui lui est arrivé. Cependant, quelque chose a changé. Il le sait. Des voix dans sa tête lui dictent une mission.

Si vous décidez d’acheter ce roman, vous aurez entre les mains le livre le plus dingue jamais lu. Outre l’épaisseur, un bébé de 749 pages, cette lecture vous laissera non seulement exsangue après une première partie « d’installation », assez psychologique et une seconde partie très cinématographique, mais il vous permettra surtout de plonger dans les tréfonds de l’imaginaire d’un auteur qui a des idées déjantées. Attention, cette dinguerie a du sens, un but, une explication, mais Stephen Chbosky va vous en faire voir de toutes les couleurs.

Ce roman est un hommage au maître du genre, Stephen King, et Stephen Chbosky ne s’en cache pas, il le remercie à la dernière phrase de son ouvrage. S’il développe des thématiques similaires en début de roman, comme l’enfance, le pouvoir de l’amitié, les blessures de la prime jeunesse et les évènements traumatiques qui la peuplent, il me semble que cela serait un pari risqué et sûrement un peu injuste de vouloir les comparer, car Chbosky se détache très rapidement de King pour faire du Chbosky, un savant mélange entre force des personnages, psychologie, fantasmagorie, et imaginaire débridé. Car l’imaginaire est bien la force de ce roman et Chbosky ne parvient à y embarquer son lecteur que parce qu’il a su l’attirer dans ses filets grâce à une progression habilement menée qui démarre comme une histoire à la King, pour finir dans un feu d’artifice.

Le procédé narratif utilisé, notamment celui de l’anaphore, le gentil monsieur, la dame qui siffle, 2h17, Dieu est un assassin, et tant d’autres contribuent à un martelage brillant qui parvient à garder la tête du lecteur sous l’eau en lui offrant très peu de prises d’air. Chbosky vous garde prisonnier dans sa forêt, entouré de cerfs anxiogènes et de boîtes à lettres silencieuses. Il va vous falloir oublier toute forme de raison pour entrer dans ce roman, mais l’auteur y parvient sans même que vous vous en aperceviez, en développant, ni vu, ni connu, un portrait acerbe et vitriolique de l’Amérique puritaine d’aujourd’hui, pétrie de religion, toujours en balance entre les forces du bien et du mal. C’est grinçant et acéré, lucide et extrêmement perspicace. Volontairement, je n’en dirai pas plus, car ce roman doit se vivre seul, égoïstement, pour en apprécier tout le caractère et la singularité. Il restera pour moi un modèle du genre, et une référence.

Un plaisir intense de lecture vous attend si vous êtes prêt à laisser un peu de votre raison de côté. Chbosky vous propose une expérience unique dont vous aurez l’impression de sortir un peu fou, secoué, mais riche d’une histoire surnaturelle ensorcelante. Il aura saccagé quelques-unes de vos rêveries, ouvert des portes magiques, bouleversé vos émotions. Ce roman est une vraie réussite, une performance narrative, visuelle, olfactive, auditive comme vous n’en avez jamais vécu auparavant. Soyez curieux et laissez cette histoire singulière prendre lentement possession de votre esprit, vous ne serez pas déçu du voyage, car il est EXCEPTIONNEL.

Je remercie les éditions Calmann-Lévy de leur confiance et leur dit bravo d’avoir eu le courage d’éditer un roman pareil.

8 réflexions sur “L’AMI IMAGINAIRE, Stephen Chbosky – Calmann-Lévy, sortie le 17 juin 2020.

  1. Yvan dit :

    Voilà la définition parfaite de la chronique dithyrambique. Et c’est mérité ! Tu rends un bel hommage à cette lecture exceptionnelle (le mot est juste) !

  2. Aude Bouquine dit :

    J’ai fait ce que j’ai pu pour convaincre sans rien dire… sachant que ce livre ne se raconte pas, il se vit. Mais quel bouquin !!! ❤️

  3. Aude , encore une fois je ne tarie pas d’éloges concernant vos chroniques !! Celle-ci est une nouvelle fois formidable et titille drôlement ma curiosité !!! Je prends note de ce roman dans ma liste d’envie pour plus tard ! En lisant votre chronique, j’ai ressenti les mêmes émotions qui ont parcouru mon corps lorsque j’ai lu Monsieur R.J Ellory pour la première fois. Ce livre se rapprocherait-il de ce genre ?
    Je trouve vos chroniques extrêmement belles !!
    Au plaisir !
    Stéphanie

  4. Aude Bouquine dit :

    Que de gentillesse ! Merci beaucoup d’illuminer mes journées en prenant le temps d’écrire quelques mots, c’est adorable, vraiment. Je ne peux pas dire que ce roman se rapproche de ceux du grand Ellory. C’est autre chose. Mais c’est très bien aussi 😊. Une expérience hors du commun !
    Et puis, on peut aimer plusieurs livres très différents, le droit suprême des lecteurs. Bises

  5. Et bien c’est noté !! Je me pencherai dessus dès que ma pal aura quelque peu diminué !!
    Merci beaucoup Aude, pour ces chroniques que je prends un malin plaisir de lire à chacune de leur parution !!
    A très bientôt !
    Stéphanie

  6. Yvan dit :

    tu sais combien ça me fait plaisir de voir ta réaction 😉

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