Le monde se divise en deux catégories : ceux qui lisent Michel Bussi, et les autres. Dans « Rien ne t’efface », l’auteur a créé le personnage de Nectaire qui a ses propres théories sur l’humanité divisée en deux catégories. Petit clin d’œil à ce personnage haut en couleur qui m’a beaucoup amusée avec ses théories. Juin 2020, Saint-Jean-de-Luz, Esteban 10 ans disparaît sur une plage. Pas de témoin. Dix ans plus tard, sa mère Maddi désormais installée à Etretat revient au Pays basque et se rend sur la même plage. Au loin, elle distingue un petit garçon qui ressemble comme deux gouttes d’eau à Esteban, et qui porte le même maillot de bain. Il s’appelle Tom et habite en Auvergne. Aussitôt, Maddi ferme son cabinet médical pour s’installer à Murol, en Auvergne afin d’être au plus près de Tom. Une seule question la hante : Esteban serait-il devenu Tom ?
Michel Bussi a l’art et la manière de construire un roman. En effet, ici, il part d’une situation impossible : Esteban devrait avoir 20 ans au moment où Maddi rencontre Tom qui en a 10, alors que l’un est le sosie parfait de l’autre. « Si Tom et Esteban pouvaient se tenir l’un à côté de l’autre, il serait impossible de déterminer qui est qui. » Maddi se retrouve donc devant un enfant qui n’a pas grandi. Or, elle est médecin, elle est rationnelle, raisonnée et logique dans ses pensées. Et pourtant, certaines coïncidences sont si troublantes, que la seule déduction logique que Maddi puisse faire est celle du samsara, le cycle des réincarnations.
« (…) il reste trois preuves irréfutables d’une réincarnation : les marques de naissance sur le corps, les phobies, et la xénoglossie. » Car comme son fils, Tom a une marque de naissance placée au même endroit que celle d’Esteban, souffre de la même phobie, et parle le basque sans l’avoir appris.
Voilà comment l’auteur ajoute par petites touches de poussière d’étoiles, une dimension ésotérique, au cœur d’une Auvergne mystérieuse où flotte quelques mythes et légendes, mais aussi quelques actions de sorcellerie. « Qu’en pensez-vous, Maddi ? continue le psy. Faut-il prouver que quelque chose existe, avant de le croire ? Ou au contraire, penser que tout est possible, tant qu’on n’a pas prouvé que c’était impossible ? »
Mais, le lecteur qui connaît Michel Bussi sait pertinemment qu’il ne s’en sortira pas par une pirouette, et proposera une fin rationnelle, cohérente, où toutes les pièces du puzzle se mettront en place harmonieusement. Personnellement, je me suis demandé comment il allait s’en sortir sans tomber dans le grotesque surréaliste ou dans l’invraisemblable. L’auteur est connu pour ses twists et ses fins diablement efficaces. Il ne s’agit pas seulement d’offrir un ultime rebondissement, mais un retournement total de situation en rajoutant le détail, l’indice présent, là, juste sous votre nez, mais que vous n’aviez pas vu. Ce détail, parfois minuscule, change diamétralement la portée du roman, ouvre de nouvelles voies et de nouvelles perspectives. C’est exactement ce qui s’est passé ici. Pourtant, j’ai été vigilante, méfiante, j’ai relevé ce que je pensais être important, tenté des théories en faisant des paris sur des personnages ! Mais, rien à faire, la fin m’a claquée au visage et j’ai fini par rire tellement il m’avait bien eue !
Au-delà de cette construction habile, voire brillante, il faut aussi que je vous parle des thématiques principales qui sont la perte de l’enfant, et du deuil dont on ne se remet jamais tout à fait. En ce sens, le personnage de Maddi est criant de vérité. Ses émotions sont si bien décrites qu’il est impossible de ne pas s’identifier à ses pensées, à ses émotions, au récit de son existence qu’elle continue de vivre dans le passé, grâce aux souvenirs qui ne la lâchent pas. Elle est assez troublante dans la mesure où la science et la logique de tout ce qui se démontre se télescopent sans cesse avec son envie de croire que Tom est bien son fils. Lorsqu’elle s’installe en Auvergne, cette région ensorcelante où les histoires et mythes de cette terre laissent présager tous les possibles, grande est la tentation de se laisser aller à penser de manière moins rationnelle et d’ouvrir un champ des possibles. J’ai été fascinée par la manière dont Michel Bussi narre le voyage des âmes en y ajoutant des touches de mythologie par l’intermédiaire du personnage d’Aster, une femme qui croit aux pouvoirs de l’invisible. J’ajoute qu’un soin très particulier a été accordé aux personnages secondaires, truculents, ce qui rend le récit riche en hypothèses.
« Rien de t’efface » aura été une lecture enthousiasmante, un vrai moment de délice, une belle envolée vers un ailleurs que je n’avais pas vraiment envie de quitter. Michel Bussi précise que 10 % des droits du livre seront reversés au secours populaire, une belle âme en plus !
Ses intrigues sont à chaque fois plus impossibles, on se dit qu’il ne pourra pas s’en sortir, et il nous tourne la tête à la fin sans que jamais on ne puisse imaginer. C’est sans doute un sommet avec ce roman-là
J’étais très grande fan mais finalement, j’ai fait l’impasse sur ses derniers. A rectifier, donc !