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LE SANG DES BELASKO, Chrystel Duchamp – L’Archipel, sortie le 14 janvier 2021

Chrystel Duchamp est l’auteur de « L’art du meurtre » sorti en 2020 aux éditions l’Archipel, roman dont la blogosphère avait énormément parlé au moment de sa parution. Je dois ma demande de lecture sur Netgalley à Caroline Vallat, libraire aux 100.000 volts qui avait compris que ce roman était fait pour moi. Un décès, une fratrie de 5 enfants, un secret, un héritage, un passé qui laisse des traces, quelques règlements de compte et surtout, une maison comme personnage principal. Une maison qui raconte l’existence de ceux qui ont vécus sous son toit, des secrets d’alcôve, des révélations. « Les rancœurs avaient pris la place des chamailleries. Ce n’était plus des histoires de jouet volé ou de destins gribouillés. C’était plus dur, plus violent. Mes enfants étaient devenus des adultes. Jaloux. Vénaux. Méchants. »

J’ai toujours été fascinée par les histoires de famille, les défaillances, les secrets, les non-dits. Peut-être est-ce dû aux résonnances de ma propre histoire familiale dans laquelle mon grand-père a eu lui aussi 5 enfants. Comme la mère dans « Lesang des Belasko » il est décédé un 18 janvier, laissant derrière lui une demeure dans laquelle j’ai passé les meilleures années de mon enfance. Imaginez un peu ma surprise en lisant les premières pages… Comme dans l’histoire de ma famille, trois garçons, deux filles… de quoi me donner la chair de poule. 

Ce roman, telle une pièce de théâtre en 5 actes se joue sous nos yeux. Le chef de famille meurt et convoque ses enfants dans la maison pour ouvrir son testament. Mais les enfants innocents sont devenus des adultes pleins de ressentiments, de souvenirs qui ont laissés des traces, de blessures intimes, de rancunes mortifères. Philippe, Mathieu, David, Garance et Solène n’ont de fratrie que le nom. Le décès du père a réveillé les animosités et a mis en exergue tout ce qu’on déteste chez « l’autre ».

La construction est diabolique. Sous la forme d’un roman choral, chaque chapitre est consacré à un personnage, mais vu par les yeux de l’un de ses frères et/ou sœurs. Cette manière de faire, originale, très à propos, donne du rythme, mais permet surtout d’analyser « la vérité » du passé sous des prismes différents.

Le personnage principal de ce roman est évidemment la Casa, cette maison de famille qui a vu grandir les enfants. Aujourd’hui, elle est dotée d’une voix et témoigne à la fois du passé, mais aussi d’une atmosphère présente extrêmement pesante. Elle est également équipée des instruments de domotique les plus élaborés ce qui va lui permettre d’agir en transformant les lieux et les retrouvailles des enfants en sombre huis clos. «La Casa était devenue une forteresse. Dans laquelle personne ne pouvait entrer. De laquelle personne ne pouvait sortir.» Cette maison a une âme. «La Casa. Elle seule connaît la vérité. Elle doit être si triste à présent.»

Tous les éléments sont réunis pour faire de ce week-end de recueillement, un joli moment de règlement de compte. Chrystel Duchamp prend son temps pour relater l’histoire personnelle de chaque personnage afin d’en extraire les failles, les animosités et parfois même les haines. La noirceur est mise sur le cercle familial dans sa globalité puisqu’on ne choisit pas sa famille, mais qu’il faut composer avec elle en faisant des compromis ou, au contraire, en laissant couler. Mais comment faire lorsque de vieux ressentiments vous empêchent d’avancer ? Comment s’en débarrasser ? Certains choisissent de vider leurs sacs, d’autres de se taire «Je n’ai rien à te dire. Et la mort de notre père ne changera rien au mépris que tu m’inspires.», mais pour combien de temps ?

Dans le panel des émotions humaines déjà évoquées, l’auteur met en lumière la jalousie et l’envie qu’elle secoue dans un immense chaudron en rajoutant les secrets et les non-dits. «Les émotions non exprimées ne meurent jamais. Elles sont enterrées vivantes et libérées plus tard de façon plus laide.» Jusqu’où un être humain est-il capable d’aller par jalousie ? Si les dialogues très percutants sont évocateurs d’émotions longtemps cachées, les silences sont quant à eux suffocants. Il y a ce qui est dit, et ce qui ne l’est pas. L’absence de mots c’est aussi un moyen de dire quelque chose, mais le ressenti est plus éprouvant. 

Le roman est truffé de suffisamment de belles révélations pour tenir le lecteur en haleine jusqu’au bout. Honnêtement ? Il n’en avait pas besoin. Chrystel Duchamp a l’art et la manière de vous harponner dès les premières pages, la Casa et les personnages se suffisent presque à eux-mêmes. Lorsque vous parviendrez au dénouement, vous penserez à moi : cette femme est absolument machiavélique !

PS : Je salue ici la réactivité de Mylène des éditions Archipel qui a bien compris que lorsqu’un titre est demandé par un blogueur sur Netgalley, c’est qu’il a envie de lire le roman tout de suite et pas dans 3 semaines, et qu’il a le temps de le faire au moment où il en fait la demande. L’acceptation est toujours accompagnée d’un petit mail fort gentil qui commence par dire « merci ». Je sais, dans notre monde 2.0 ça n’a l’air de rien… mais je vous assure que c’est rarissime et que j’y suis très sensible. Merci Mylène. 

#LesangdesBelasko #NetGalleyFrance

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