Grégoire Delacourt est-il bien un Homme ?
Une bonne fée s’est-elle penchée sur son berceau pour lui donner le don de lire dans le coeur des femmes et la capacité d’aussi bien les comprendre ?
Il m’avait déjà laissée complètement sur le carreau l’année dernière avec “Danser au bord de l’abîme” en racontant comment une femme, par un simple regard échangé avec un homme dans un café, quitte tout, mari et enfants pour partir avec cet inconnu qu’elle ne connait pas.
C’est tout à fait ce qu’une femme pourrait faire.
Envoyer tout valser sans réfléchir, sur un simple coup de tête, une complicité, une promesse dans le regard.
Dans ce livre là, Grégoire Delacourt décide d’aborder de façon originale l’angoisse principale de la femme quarantenaire : la peur de vieillir.
Pour cela, il utilise plusieurs personnages de femmes qu’il décrit avec beaucoup de justesse :
– Une mère qui part trop tôt
– Une amie qui s’inflige tout ce qu’elle peut pour retarder l’inéluctable
– Et Betty (ex. Martine rebaptisée ), Betty qui ne vieillit pas.
A partir de 30 ans, elle ne vieillit plus.
Son corps bien sûr vieillit de l’intérieur, mais son visage reste intact : sans ride, sans creux, sans relâchement, sans trace du temps qui passe.
Trente trois photos prises chaque année seront les seules témoins du temps qui a passé : même photographe, même fond blanc, même chemisier, même absence de sourire. Trente trois photos pour trente trois années d’un visage inchangé.
On se dit quelle chanceuse, on l’envie Betty de ne trouver aucune ride au coin de ses yeux…
” Vous rêvez toutes de ce qui m’est arrivé. Mais je suis une bête de foire.”
Sauf que ce cadeau empoisonné fiche sa vie en l’air.
Et je n’en dirai pas plus 😉
Grégoire Delecourt a décidé de prendre un angle original pour parler de cette angoisse des femmes en général : au lieu de nourrir les peurs de la vieillesse, il décortique les affres de l’éternelle jeunesse.
Le texte est beau, subtil, authentique, écrit avec tellement de perspicacité qu’on en arrive à penser qu’il a vécu dans le corps d’une femme, dans une autre vie.
Et puis j’aime la poésie de son écriture, presque un texte à lire à haute voix tellement ça sonne joliment. Ses mots sont beaux, ses idées sont justes, son texte est une madeleine à déguster tout doucement. J’aime son style qui m’émeut, qui me touche, qui me bouleverse.
Par dessus tout, mais peut-être n’est-ce qu’une impression, c’est un homme qui comprend les femmes.
Je vais l’accrocher sur mon miroir de salle de bains cette petite phrase
“La vieillesse est une victoire”
à la place de mon petit panneau qui disait ” What the F… happened ”
Juste pour le plaisir, à vous toutes qui vous scrutez dans le miroir….
“J’ai pensé avec mélancolie à ces femmes qui donnent tout pour ce qui en vérité est une malédiction(…). J’ai pensé à ces femmes qui, comme Odette, se coupent, se défigurent, acceptent de voir s’effacer l’histoire que leur visage raconte d’elles pour s’imaginer, un an encore, deux ans peut-être, qu’elles possèdent toujours ce trésor qui attire les regards pleins de convoitise alors qu’ils ne sont qu’un appétit, qui suscite le désir, comme si le désir n’était lié qu’à la beauté et la beauté à la jeunesse. J’ai pensé à ces femmes, à leur lutte pour tromper la mort, car c’est de cette désespérance qu’il s’agit, j’ai pensé à leur combat perdu d’avance contre les premières rides, les premiers relâchements de la peau, tout ce qui annonce au monde que quelque chose d’elles s’enfuit, irrattrapable, leurs corps fugitifs, leur honte, et j’ai eu envie de crier, hurler que seul ce qui ne dure pas a de la valeur, et que la menace de la perte est justement ce qui nous aide à vivre”
Une réflexion sur “LA FEMME QUI NE VIEILLISSAIT PAS, Grégoire Delacourt – JC Lattès”