Aude Bouquine

Blog littéraire

Pata, Madie et leurs 9 enfants sont frappés par un raz de marée.
L’eau montant progressivement mais inexorablement, les parents décident de prendre la mer.
Leur barque de fortune ne peut pas contenir 11 personnes, ils sont donc obligés de faire un choix : quels enfants laisser sur l’île, lesquels emmener.
Après avoir trouvé de l’aide, le père en personne, il en la certitude, reviendra chercher ceux qui restent : Louie (le boiteux) , Perrine (la Borgne) et Noé (le nain), c’est à dire les enfants les plus fragiles… les moins “réussis”, ceux qui pourraient les ralentir dans leur quête d’asile.
Le lecteur suivra d’abord la survie des enfants, puis la fuite des parents, et enfin, retrouvera les enfants jusqu’à l’épilogue.

Comment sortir indemne d’un tel roman ?
Comment répondre à cette effrayante question ” Quel enfant va-t-on laisser ?”

Ce roman a certainement fait ressurgir un trauma en raison de ce qui ce qui m’est moi-même arrivée ce 9 janvier 2018.
Ici à Montecito, non loin de Santa Barbara-Californie ce n’est pas un raz de marée qui nous a atteint, mais 2 énormes coulée de boue qui sont descendues de la montagne déjà fragilisée par les feux californiens du mois de décembre 2017 : des arbres, d’énormes rochers, mais aussi des voitures et même des maisons entières. Bilan 20 morts, toujours deux disparus …
Lors de cette nuit terrible où j’étais seule avec mes deux filles à la maison, écoutant le vacarme de la pluie torrentielle sur le toit, le bruit des secours et des hélicoptères, des tuyaux de gaz explosant qui ont transformés la nuit en plein jour, je suis partie en laissant ma maison, avec mes deux filles, évacuées par la garde nationale.
Forte des émotions ressenties cette nuit là, la terreur, l’angoisse, le sentiment d’être seule au monde, coupée de la civilisation à cause des routes fermées, des communications bloquées, du gaz, de l’électricité coupés, j’ai revécu cette scène à travers ce livre, comme ces 3 enfants laissés sur le bord du chemin, sans parent, livrés à eux même avec l’eau montant, laissant entrevoir une mort inéluctable.

Je n’ai pas eu à choisir, comme Madie et Pata lesquels de mes enfants j’allais laisser derrière moi. Je n’avais pas 9 enfants à sauver. Pas de question à me poser sur ce qu’elles allaient devenir, comment elles allaient pouvoir rester seules, sans moi, avec la boue qui montait.
Et pourtant, c’est comme si j’y avais été…

Comment ne pas se laisser submerger par le questionnement des enfants ?
-Pourquoi nous ? :
Parce que je suis trop petit, que Louie a une jambe malade et Perrine un seul oeil, c’est pour ça qu’ils nous ont laissés ? Parce qu’ils ne nous aimaient pas ?”
le questionnement des parents
-Comment vont-ils, sont-ils vivants ? :
Comment ont-ils réagi ce matin en se réveillant et en découvrant la maison vide ?
– Comment se pardonner ?” : ” si c’est la punition pour avoir abondonné Louie, Perrine et Noé sur l’île, si trois de ses enfants emmenés dans la barque doivent mourir pour lui faire regretter sa décision, lui dire que ce n’était pas ceux-là qu’il fallait choisir, mais comment savoir, comment être pardonné…”

Ce que j’ai ressenti à la lecture de ce roman noir  est terrible d’authenticité, comme si, par je ne sais quel tour de passe-passe, j’avais vécu moi-même ce choix, cette terrible déchirure de la séparation, cette envie de mourir à cause d’une décision prise.
On a toujours le choix entend-t-on souvent dire …
Mais quel choix ? Comment choisir parmi la chair de sa chair ? et surtout comment s’en relever ?

C’est le premier livre de Sandrine Collette que je lis
Peut-être était-ce le bon moment.
Ou juste l’histoire qui correspondait un peu aux derniers événements surgis dans ma vie.
Ou juste la terrible humanité avec laquelle elle raconte les évènements.
Ou juste son style qui oscille entre le narratif descriptif  et les pensées qu’on se livre à soi-même quand on vit en plein chaos.
Ou juste la description d’un espace spatio temporel minimaliste qui permet que l’on s’identifie…

Mais certainement pas un roman qu’on oublie
Certainement pas un roman qu’on lâche
Sûrement un roman qu’on emporte avec Soi, quand la vie nous joue des tours.

C’est avant tout un roman sur l’amour, parental, filial, sur le choix, sur le pardon, sur la culpabilité, le désespoir, toutes ces émotions qui font ce que nous sommes : des Etres profondément Humains.

Merci Sandrine pour cette avalanche d’émotions, l’essence même d’un excellent roman.

 

 

 

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