Aude Bouquine

Blog littéraire

Pio Achenza est l’heureux propriétaire d’une nouvelle maison. Sa femme lui a peu forcé la main pour l’acheter… elle lui force aussi la main pour la rénover, le soir, après le boulot afin que la petite famille très à l’étroit dans son appartement puisse rapidement investir les lieux. En abattant une cloison, il fait une macabre découverte : le corps d’un enfant. Virginie Sevran et son collègue Biolet prennent l’enquête en main. Ils découvrent deux autres corps dans la maison de l’horreur, deux autres enfants dont on a voulu se débarrasser. Ces trois petits corps, une fille et deux garçons n’ont qu’une seule chaussure au pied droit, « ces gamins avaient entre 11 et 15 ans, à déterminer (…) Les corps des garçons sont momifiés, celui de la jeune fille par contre est partiellement squelettisé.» De quelques mois à plusieurs années, personne n’a signalé leur disparition. Madeleine Duflot, l’ancienne propriétaire est décédée. L’enquête révélera qu’elle et son mari étaient famille d’accueil pour la DDASS. La médiatisation de cette affaire délie quelques langues qui se sont trop longtemps tues et fait sortir de l’anonymat ceux qui espéraient rester cacher.

Dans son premier roman « Des poignards dans des sourires », Cécile Cabanac avait réduit les femmes au statut de carpettes. Plus on leur marchait dessus, plus elles disparaissaient. Dans « La petite ritournelle de l’horreur », c’est tout l’inverse : ce sont les femmes qui mènent la danse. D’abord la femme de Pio, un modèle de gratitude, d’amour et d’empathie. (Non, je blague) Puis Madeleine, l’ancienne propriétaire si soucieuse de porter assistance à des enfants démunis. (Non, je blague toujours) Enfin, Sevran celle par qui la vérité arrive, femme forte, mère accomplie. Trois portraits de femme qui portent la culotte, chacune dans son genre. 

Aujourd’hui 27 janvier 2022, à l’heure où est sorti le livre de Victor Castanet « Les fossoyeurs » décortiquant le quotidien des résidents des EHPAD, peut-être faudrait-il aussi se pencher davantage sur le fonctionnement des services sociaux et des familles d’accueil… C’est l’une des thématiques phares du roman. Placer et oublier. Faire diminuer la pile de dossiers. Contrôler si peu… Et ignorer les parents en mal d’enfants qui cherchent à adopter. Notre système de prise de charge d’accueil des plus défavorisés est clairement à revoir. En ce sens, difficile de ne pas être touchés par le sort de ces gamins victimes des aberrations d’un système qui tient à peine debout. Journaliste de formation, Cécile Cabanac revient donc sur ses terres d’investigatrice, elle qui a travaillé durant 4 ans sur l’émission « Faites entrer l’accusé ». De la même manière, elle développe avec force la fascination que nous avons pour les faits divers. Une fascination malsaine qui oblige à être branché 24h/24 sur des chaînes de télé en quête de scoops, du plus petit indice collecté par les forces de l’ordre, aux plus grosses fake news, répétées et répétées encore jusqu’à l’écœurement. Pourtant, il y a une recherche de réhabilitation du métier de journaliste dans « La petite ritournelle de l’horreur » par l’intermédiaire d’un duo : la journaliste Louise de Courbevoie et l’enquêteur Dombard qui en s’alliant permettent de faire avancer l’enquête à grands pas. 

Pour ce roman centré sur l’enfance, l’auteur a choisi un schéma narratif qui donne du rythme : l’alternance des voix, sans doute l’une des mécaniques qui me sied le plus. Ainsi, chacune apporte sa pierre à l’édifice et par ricochet au nôtre. La place d’honneur est donnée à Virginie Sevran, elle-même mère, dont le bras droit va devenir père. Enfance et maternité sont au cœur du roman. Les émotions vécues par ce duo ne peuvent être séparées de celles de l’enquête, tout est imbriqué, tout fusionne dans un tourbillon flirtant entre l’empathie, la répulsion et le réconfort de savoir que le soir, après une journée harassante, il est possible de rentrer retrouver les siens, d’oublier pour quelques heures des horreurs qui les touchent de trop près. Enfin, et c’est ce que j’apprécie énormément chez les auteurs de la « nouvelle génération du noir », c’est l’audace dans les choix. Cécile Cabanac n’en manque pas. Elle n’hésite pas à faire des choix douloureux, à malmener ses personnages, à prendre des directions éprouvantes. Un courage de conteuse qui peut faire défaut aux plus grands. « La petite ritournelle de l’horreur », un titre bien trouvé qui évoque l’enfance douce, les chants fredonnés, mais verse rapidement dans une ambiance sombre et oppressante. De quoi faire frémir en ces nuits d’hiver…

DES POIGNARDS DANS LES SOURIRES, Cécile Cabanac – Fleuve Noir, sortie le 7 février 2019

11 réflexions sur “LA PETITE RITOURNELLE DE L’HORREUR, Cécile Cabanac – Fleuve Noir, sortie le 13 janvier 2021.

  1. laplumedelulu dit :

    Ben voilà. Ça, c’est fait. Encore un sur ma whislist. C’est gentil Aude d’amener un livre à mon édifice de tentations. 😂 Édifice qui va se casser la figure par ricochet, vu que j’en rajoute tous les jours. Vais lui mettre des tuteurs. Ça peut l’aider. Merci à toi pour cette magnifique chronique 🙏😘 qui fout un peu les jetons quand même.

  2. Matatoune dit :

    Un sujet difficile ! Je le note mais pas pour l’instant !

  3. Chaque fois que j’ai lu des retours sur ce roman, je n’ai pas été tentée. Je suis trop peinée par ce genre de sujets. Mais en lisant ta chronique, j’ai bien envie de faire une exception.

  4. laplumedelulu dit :

    Dis donc. C’est un joli compliment pour Aude. Merci pour elle. 🙏😘

  5. Aude Bouquine dit :

    Il n’y a pas de scènes gores… ça n’est pas pour autant le monde des bisounours ;-). Tu verras bien si l’envie te prend, pas de pression. On fait en fonction de ses envies 🥰

  6. Aude Bouquine dit :

    Je vais vraiment t’appeler ma choupitrognon 🥰

  7. Aude Bouquine dit :

    Je comprends… J’ai lu plus difficile en ce début d’année 😉

  8. Aude Bouquine dit :

    Si tu voyais ma PAL 😱. Je dégomme, je dégomme et surtout j’attaque en fonction de mes envies en changeant de genre à chaque fois.

  9. laplumedelulu dit :

    Je dégomme aussi de mon côté mais c’est de plus en plus noir comme style. Et après, je me plains de faire des cauchemars. 😂

  10. laplumedelulu dit :

    Si tu veux Aude 🥰. Mais laisse moi le temps de faire mes preuves 😉😘

  11. Il a l’air particulièrement dur mais attirant ! Heureusement, il est déjà dans ma PAL !

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