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IMPACT, Olivier Norek – Michel Lafon, sortie le 22 octobre 2020.

Et vous ? Que faites-vous pour aider la planète? «On agit quand, pour de vrai?»

Solal est un militaire au passé dur. En raison de ses missions à travers le monde, il a vu tout ce que l’humanité comporte de plus abject. Il est en mode autoprotection «pour que les images n’aillent pas de ses yeux à son cerveau, de son cerveau à son âme.» En Afrique, les industries pétrolières ont déversé 22 millions de pétrole brut et on fait d’une partie du monde «l’endroit le plus pollué de la terre.» Qui dit pollution extrême, dit morts. Charniers serait un terme plus exact. Un enfant sur deux est malade. «Nés dans le pétrole, nourris au pétrole, morts à cause du pétrole, brûlés par le pétrole.» Alors, quand un drame personnel dû à la pollution frappe Solal de plein fouet, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. L’enlèvement du PDG de Total «menacé d’être asphyxié par la propre essence qu’il extrait et commercialise» est une façon de forcer les yeux du monde à s’ouvrir. L’enlever puis expliquer pourquoi. Et diffuser tout ça sur les réseaux sociaux, seul moyen d’atteindre en quelques secondes, la planète entière.

Sous le prétexte d’un roman, comme il l’avait fait avec « Entre deux mondes », Olivier Norek s’attaque à l’absence de conscience écologique des grandes entreprises et par extension de nos gouvernements. Pollutions diverses, utilisation des énergies fossiles, absence de mesures concrètes pour amorcer un véritable changement et conséquences désastreuses constituent le socle du roman. Dans « Impact », l’auteur énonce des faits, apporte des preuves pour étayer ses dires, donne des nouvelles du monde (et quelles nouvelles !!). Il va loin dans le discours didactique. Il y va de front sans édulcorer la situation, et il tape dans le tas. « Impact » se doit d’être un réveil des consciences, une occasion de mettre chacun devant ses responsabilités, de la famille dans son quotidien, en passant par l’entreprise et cela jusqu’au plus haut sommet de l’État. «(…) vous prospectez agressivement comme si la Terre était un malade inanimé que vous vidiez de son sang.» – «Vous multipliez vos émissions carbone dans vos usines de pétrochimie pour produire du plastique avec encore ce même pétrole. Du plastique, sans dégradation possible, qui finit dans les mers et fait agoniser la vie qu’elle abrite, avec la détermination d’un cancer généralisé. Enfin, le dioxyde de carbone qui émane de cette surproduction insensée, réchauffe la planète.» C’est clair pour tout le monde? Ce n’est que le début. Olivier Norek dissèque la situation actuelle, dit non aux pratiques industrielles, non à la toute-puissance de la finance, non à la pollution qui gangrène chaque espace de vie. «Je me demande si vous les voyez, dans votre miroir, à chacun de vos matins, les cadavres des neuf millions de morts annuels par pollution. Pollution de l’eau, de l’air, des sols.»

Un flic Nathan Modis et une psychocriminologue Diane Meyer sont chargés d’arrêter Virgil Solal. Mais est-ce si facile de faire respecter la Loi devant certaines évidentes vérités ? «L’eau et l’air seront en vente, et ils auront le prix du sang.»Mais Solal a des appuis, fait des émules, étend sa notoriété grâce aux réseaux sociaux. Il parle vrai, il s’exprime clairement, il explique, il démontre. Son mouvement, Greenwar porte bien son nom. Il va jusqu’à préparer les arguments de sa défense, car il sait que la justice ne va pas le rater.

Rares sont les romans où à chaque fin de chapitre, le lecteur a l’impression qu’on lui flanque une gifle. C’est le cas ici. Chaque chapitre résonne longtemps dans les esprits, suscite des interrogations personnelles, et même des discussions familiales. L’analyse de l’argumentaire élaboré par Olivier Norek est une évidence, implacable. L’histoire, entrecoupée d’apartés nommés « Nouvelles du monde » va vous empêcher de fermer les yeux et vous obliger à écouter la détresse de notre terre. Elles sont toutes tirées d’histoires vraies. De quoi donner froid dans le dos «L’humanité crève sans pouvoir crier. Plus tristement, elle crie, mais personne n’écoute.»

Ce roman est un brûlot sociopolitique, un texte citoyen, écrit comme une urgence de faire un état d’une situation inquiétante où tout retour en arrière semble malheureusement bien compromis, un appel à agir en profondeur. Il est aussi le reflet d’une époque, la nôtre, et s’ancre profondément dans l’air du temps. «Après l’immobilisation mondiale provoquée par le Covid et les fausses promesses d’un “monde d’après” plus social et plus écologique, le peuple s’est senti bafoué, humilié et cette colère, qui n’attendait qu’une fissure pour se répandre, avait trouvé en Virgil Solal, celui qui l’exprimerait.»

Olivier Norek n’y va pas par quatre chemins. À travers ses deux enquêteurs, il place le lecteur en témoin, devant des choix comme définir ce qui est juste. La justice passive, un gouvernement ayant fait des promesses de changements qu’il ne tient pas, font monter révolte et colère, à l’image de l’onde de choc provoquée par les actes et les mots de Virgile Solal. Des phrases percutantes sans aucune ambiguïté sont utilisées pour bannir à tout jamais une relative indifférence générale : «L’Organisation mondiale de la santé nous informe que la seule pollution atmosphérique provoque neuf millions de morts par an. Un décès sur six, dans le monde! Et notre état ne remplit aucune de ses promesses. Bien au contraire, il transige et revient sur ses pas, autorise et ferme mes yeux. Et la Justice, face au tueur en série le plus dévastateur de toute l’Histoire de notre planète, reste silencieuse. Elle regarde. Elle laisse faire. Le mot “complicité” me vient même aux lèvres.»

Face à la pollution, au dérèglement climatique et aux morts qui en découlent, une question essentielle est posée ici : La violence est-elle le seul moyen efficace pour être entendu ? Quand le monde reste sourd, comment lui redonner l’envie d’écouter ? «La résistance violente intervient lorsque la résistance passive a abattu toutes ses cartes. Nous faisons face à un nouveau péril, mondial celui-ci, et aucune demi-mesure ne pourra nous sauver. L’humanité est en équilibre sur les deux pieds arrière d’une chaise, elle se balance dangereusement. Il suffirait d’un rien de plus pour tomber. Mais à contrario, il faudra lutter de toutes nos forces pour nous stabiliser. Et cette lutte ne pourra venir que du peuple.»

« Impact » doit réveiller les consciences et pourtant, Olivier Norek ne nous donne pas ici de leçons. Il ne juge pas. Il utilise un moyen bien plus subtil pour dénoncer la situation : lentement, mais à coup d’exemples explicites, il nous entraîne de « l’autre côté », du côté du « méchant », de celui que nous devrions haïr puisque ses méthodes ne sont pas « politiquement correctes » même si elles semblent justes. Le juste est-il l’ennemi du bien ? D’abord seul, Solal construit progressivement une armée grâce aux réseaux sociaux, et au-delà de cette armée romanesque, les lecteurs que nous sommes s’allient progressivement à sa cause. 

«Ne pas considérer l’écologie comme la priorité majeure de ce temps relève du crime contre l’avenir. Ne pas opérer une révolution dans notre manière d’être relève du crime contre la vie.» 

Et vous, que faites-vous pour aider la planète ? « Impact » est un roman de première nécessité puisqu’il nourrit avec ardeur notre réflexion. Certainement l’un des plus percutants dans le genre, des plus intelligents et des plus enclins à soulever une vraie colère, légitime. Nous sommes tous responsables du monde que NOUS laisserons à nos enfants et il est de NOTRE responsabilité de changer les choses. 

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