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POUR UN INSTANT D’ÉTERNITÉ, Gilles Legardinier – Flammarion, sortie le 2 octobre 2019.

Il se cache entre ces pages des secrets… Le secret d’une rencontre dans une église, le secret d’un projet pour un ami, le secret d’une cloison abattue qui révèle l’existence d’une pièce cachée. Derrière ces pages, vous trouverez le questionnement d’un auteur qui devient le leitmotiv d’une vie « quand tu t’appuies sur un mur, demande-toi toujours ce qui se trouve derrière. » La fascination pour les passages secrets naît, étayée par d’intenses recherches dans le ventre de Paris. Certains hommes aux doigts d’or et à l’imagination fertile imaginent des mécanismes qui en entraînent d’autres, puis d’autres encore jusqu’à faire coulisser une pièce qui ouvre un passage. Ainsi, Vincent, personnage de ce roman prend vie. Il est le spécialiste des passages dérobés, il les conçoit, il les vend et ne révèle jamais leurs existences. Ce don lui a été laissé en héritage, mais c’est avec ardeur qu’il passe le flambeau à sa bande. Dans cette bande, chacun a son rôle et sa spécialité. Ensemble, ils forment une véritable équipe, de corps et de cœur . C’est le temps de l’Exposition universelle de 1889. La Tour Eiffel est terminée, on se presse pour la découvrir et surtout admirer la ville, vue d’en haut. Le Sacré-Cœur est en pleine construction. Un virage semble s’amorcer : une fin de siècle qui en annonce l’arrivée d’un nouveau, détenteur de révolutions technologiques encore inimaginables.

La grandeur de cet évènement cache pourtant de grandes disparités dans la population. C’est à travers ses personnages que Gilles Legardinier va nous emporter au cœur d’une société, la nôtre, avant celle que nous connaissons aujourd’hui. Et pourtant, comme dans le roman d’Henri Loevenbruck « Le loup des cordeliers », on peut lire entre les lignes une troublante similitude entre la société d’avant, et la nôtre, comme si les choses n’étaient qu’un éternel recommencement, les problématiques récurrentes, les disparités continuelles.

Pourtant, pendant quelques heures, j’ai totalement oublié notre époque anxiogène, troublée, où les hommes que nous sommes se rongent les sangs d’inquiétude. Me voilà au cœur de Paris, à la fois dans son antre, mais aussi dans ses rues, ivre de découvrir comment s’est construite l’une des villes les plus visitées du monde. Cette plongée n’aurait pu avoir lieu sans la présence de personnages emblématiques, détenteurs de rêves, chasseurs de trésors, pirates de cavités sombres et mystérieuses dans lesquelles j’ai pris plaisir à me perdre avec eux. Vincent ne fait pas partie des riches, c’est plutôt tout le contraire. Et pourtant, s’il utilise son art pour gagner sa vie, c’est un homme aux valeurs profondes, humaines, et au cœur philanthrope. Il s’est entouré de personnages ayant les mêmes valeurs que lui, car l’union fait la force et le savoir se transmet. Pour un instant de lecture qui ressemble étrangement à un instant d’éternité, le charmeur de serpents Legardinier m’a envoûtée, cherchant à m’attirer dans ses lignes pour y trouver refuge, jouant si bien de l’atmosphère et des émotions, que mon envie d’en sortir s’éloignait un peu plus à chaque page.

Si vous êtes prêts à vivre une aventure littéraire qui prend naissance dans les entrailles de Paris, dans les églises sombres, dans les tentations sibyllines de créer et de découvrir des portes cachées, ouvrez ce formidable roman énigmatique et désarmant par la forme et le fond. L’écriture de Gilles Legardinier est intrusive, car elle vient chercher au fond de vos entrailles votre propre humanité, elle espionne vos émotions et vous donne quelques clés pour faire tomber vos propres murs personnels.

Ce roman est un projet familial, cela le rend encore plus mystérieux et devrait aiguiser votre curiosité. Je termine par cette phrase, prononcée par l’un des personnages et qui a une résonance particulière en ces temps troublés : « Disons que j’ai suffisamment vécu pour apprendre que ce que l’on fait pour soi-même n’est jamais essentiel. Je suis assez vieux pour avoir appris que cette vie peut vous reprendre tout ce qu’elle vous a donné. Je suis assez loin sur le chemin pour savoir que les vrais combats sont silencieux et qu’ils exigent parfois que l’on se sacrifie pour eux. »

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