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MANHATTAN CHAOS, Michaël Mention – 10/18, sortie le 7 mars 2019.

Nous sommes en juillet 1977 à New York. Été caniculaire. Cela fait 2 ans que Miles Davis n’est pas sorti de chez lui. Deux ans d’enfermement dans l’enfer de l’héroïne qu’il consomme à outrance. Ce soir-là, panne générale d’électricité. Panne de dope aussi. Et un tueur qui arpente les rues de la ville à la recherche de sa prochaine victime. Miles Davis « amorphe comme une merde », « vieux pirate gangrené », s’hydrate au cognac. À 51 ans, il a seulement la peau sur les os, le souvenir de ses notes, de ses potes musicos Bird, Fats, Duke et les autres, des femmes qui ont partagé sa vie… Il est le seul encore en vie, pas pour longtemps… Sa tox-box est vide, ses tripes se crispent, angoisse maximale, terreur à 100 %. Il va falloir que « le génie du jazz » sorte de chez lui chercher de quoi apaiser ses démons. « J’ai vécu mille vies, j’ai fait plusieurs fois le tour du monde, mais même au top, je me suis toujours senti vide » Combler le vide, sortir, trouver de quoi planer, oublier « Car le silence tout seul, c’est dur ».

Ce roman est une expérience sensorielle unique. Une course-poursuite en plein New York, entre Miles Davis et… Miles Davis. Au rythme des hallucinations, des riffs, des plongées dans les faits historiques marquants de la grande pomme, des souvenirs, de l’angoisse, de la paranoïa et des divagations cérébrales, le trompettiste en manque déambule dans une ville éteinte, au rythme d’une vie éteinte elle aussi. « On the corner » évoque « Ma ville, capitale de tout. Moderne et tribale, excentrique et secrète. (…) New York est là, bestiale, du sax à mes riffs les plus urbains. Saturation. Distortion. Explosion… »

Pour écrire « Manhattan Chaos », Michaël Mention a écouté Miles Davis pendant 2 ans… Je reformule : il n’a écouté QUE Miles Davis pendant 2 ans. De quoi devenir obsédé par cet artiste, par sa musique, par son son qui entre dans le cerveau et n’en ressort pas. Il tient là l’un de ses personnages et doit maintenant placer le musicien dans un contexte : le New York des années 70. New York devient alors le personnage phare du roman et retient Miles Davis prisonnier dans son antre. Passé et présent s’entremêlent au rythme des déambulations, délires mentaux, hallucinations hystériques, « Le passé et le présent, éternellement liés. »

Une écriture affûtée, des mots comme « la mort qui bat la mesure », un savant dosage entre réalité et divagation, instant présent et évènements historiques. Pour couronner le tout, la création d’une playlist sur Deezer pour accompagner la lecture. De quoi, suer du Miles par tous les pores de la peau, de l’entendre dans votre tête même quand la musique est éteinte, et de laisser votre esprit vagabonder de Central Park à Washington Square, tiraillé entre angoisses et transes sous une chaleur torride et opaque. Je n’avais pas conscience qu’on puisse mettre des mots si justes sur la musique, pour la décrire, la faire vibrer, la rendre vivante, de chair et de sang, et permettre à un lecteur de l’entendre à chaque ligne. Vous êtes prêt pour tenter une expérience hors du commun ? Lisez un chapitre, puis écoutez le titre associé à la playlist, relisez le chapitre en question. Ça vous procure des frissons et les mots résonnent plus fortement dans votre tête. De la magie, pour ne pas dire du génie !

Je ne sais pas si cette chronique rend bien hommage aux émotions de lecture que ce bouquin provoque… Alors, je vais laisser la parole à deux blogueurs dont les chroniques retranscrivent parfaitement cette frénésie émotionnelle si singulière. Je laisse les derniers mots à Michaël :

« Tout donner, même si l’humanité est incurable, que la haine est universelle, que le temps détruit tout, que l’amour est précaire, que la fidélité est fragile, que l’amitié est rare, que le plaisir est fugace, que l’enfance est condamnée, que le pardon est impossible,  que l’art est cruel, que le fric est un piège, que le succès est une prison, que la politique est une mascarade, que l’espoir est un leurre, que le mensonge est roi, que la vie est injuste pour des milliards de gens et qu’au final seule la mort a du sens. »

La chronique d’Yvan, blog EmOtionS
Playlist de Michaël Mention pour accompagner la lecture

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