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BLOOD ORANGE, Harriet Tyce – Robert Laffont, sortie le 21 février 2019

Alison merde dans les grandes largeurs. Mariée, mère de famille, passionnée par son métier d’avocate, elle a aussi un léger penchant pour la boisson, la cigarette, les plaisirs artificiels en général, et une certaine addiction au sexe un peu brutal avec un collègue qui souffle le chaud et le froid. Ça fait beaucoup pour une seule personne. Un jour, ce collègue et amant, Patrick, lui confie sa première affaire de meurtre. Madeleine a poignardé son mari de plusieurs coups de couteau. Il faut dire qu’il n’était pas piqué des vers celui-là : il lui administrait des médicaments incognito dans son thé, contrôlait sa vie entière et lui tapait dessus au gré de ses pétages de plomb. Curieusement, les vies d’Alison et de Madeleine commencent à avoir des résonances communes, des similitudes conjugales naissent, donc des atomes crochus.

Nous sommes bien dans un thriller domestique à tendance judiciaire. Vous avez remarqué la capacité de l’être humain à enfoncer encore un peu plus quelqu’un qui va déjà très mal ? Le succès professionnel d’une personne n’en fait pas toujours une référence. C’est un peu ce qui arrive à Alison qui sort la tête de l’eau dans son boulot, mais se noie dans sa vie familiale. Mère d’une petite fille dont elle a peu de temps à consacrer, mais qu’elle aime éperdument, et mariée à un donneur de leçon dont je ferai bien mon quatre heures pour lui apprendre 2-3 trucs. Vous sentez une pointe d’agacement dans mes propos ? C’est parce qu’il y en a une. C’est vrai, tous les pervers narcissiques à tendance psychopathe me tapent franchement sur les nerfs. J’aime ces êtres parfaits qui consentent à partager avec le bas peuple leur savoir et expérience et font émerger, par ricochet, notre propre misérabilisme. Carl, je t’aime. Je voudrais bien passer quelques heures en ta compagnie, toi le psychothérapeute des addictions sexuelles. Ta capacité de jugement à l’emporte-pièce m’attire énormément et ta faculté à réduire la mère à être une seule génitrice, incapable d’élever sa môme autrement qu’avec le manuel du parent modèle dont tu es le seul détenteur évidemment, me rend bien hystérique. C’est normal, je suis une femme… L’hystérie fait partie de nos gènes.

Vous l’aurez compris, la force de ce thriller réside dans les portraits de personnages et leurs ambiguïtés. Personne n’est qui il paraît être, chacun possède des failles, voir une tendance à l’auto-destruction. J’ai été souvent excédée par les jérémiades d’Alison, son incapacité à suivre les bonnes résolutions qu’elle s’est fixées, ses pulsions auxquelles elle ne peut résister, sa culpabilité intrinsèque et permanente, son manque de clairvoyance et parfois de jugeote, mais curieuse de découvrir jusqu’où elle allait devoir pousser avant de se prendre un mur. Je dois être un peu sadique au final ….

J’ai été partagée entre le besoin de continuer la lecture et de l’arrêter. Mais, l’ambiguïté des personnages relance l’intérêt à chaque fois que le lecteur envisage d’abandonner. Les thèmes développés comme le couple, le mensonge, la manipulation, l’effet miroir d’une situation à une autre contribuent fortement à redonner du peps à l’intrigue. La construction du roman est dans ce sens plutôt réussie. J’ai trouvé étonnante la façon dont Harriet Tyce parvient à susciter une certaine affection du lecteur pour Alison pétrie de défauts et de contractions.

Somme toute, j’ai vu venir les choses. J’ai décortiqué l’intrigue assez rapidement dans le roman, mais cela ne m’a pas gâché mon plaisir de voir comment l’auteur allait s’en sortir pour dérouler le fil. La fin est plutôt bien amenée révélant la nature profonde d’un personnage clé. Est-elle originale ? Bien trouvée ? Logique ? Difficile de vraiment juger. Je dirai qu’elle est cocasse, car le lecteur baigne tout de même dans des thématiques de  justice et de loi et que là encore, le lecteur n’est pas à une contradiction près.

Dans l’ensemble, bonne lecture, agréable, sans prise de tête. Si vous aimez les thrillers domestiques, allez-y.

 

 

 

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