Lorsque j’ai inscrit ma fille dans sa nouvelle école, la Directrice m’a dit « Il faut être conscient qu’un déménagement pour un enfant équivaut à un deuil. Il perd tous ses repères, tous ses amis, tout ce à quoi il était profondément attaché, quand nous, adultes, ne voyons que l’organisation du déménagement, les cartons à emballer et à déballer… » Elle me raconte alors l’anecdote suivante : un petit garçon qui arrivait des États-Unis pleurait tous les jours dans la cour. Cela a duré des semaines, tout le monde a essayé de le comprendre, de le consoler, de lui dire qu’il allait s’habituer… rien n’y faisait. Un jour, c’est elle qui le reçoit dans son bureau pour essayer de comprendre où se situe le problème. Le petit garçon a simplement dit qu’il n’y avait pas de vert ici, pas de pelouse, pas de nature. Partout le béton, une cour minuscule, pas d’endroit pour courir. Il était en deuil de son ancienne école américaine.
« Ernest et moi » traite du déménagement et de cette difficulté que nous parents ne voyons plus, la nécessité de s’adapter à un nouvel environnement et surtout de se faire des amis. Arriver dans une école et ne connaître personne, tenter de se faire une place dans un groupe de copains, faire en sorte qu’on veuille simplement vous adresser la parole. C’est le combat quotidien des enfants qui déménagent, obligés de suivre leurs parents.
Ernest apparaît à Lucien sous la forme d’un œuf qu’il dépose sous son lit. Et lorsque l’œuf éclôt, c’est la possibilité de se faire un nouvel ami qui éclôt avec lui. La solitude devient moins pénible grâce à cet ami un peu encombrant, pas très facile à cacher, mais que personne ne semble voir à part le petit Lucien. De cette amitié naît une confiance en soi qui permet d’affronter le monde, aller vers les autres, accepter une main tendue.
Nous parents, voyons bien ici un second degré de lecture, mais les enfants, comme ma fille Marie-Kyldine, 9 ans, voient l’arrivée de ce petit dragon tout bleu très amusant. Je devine même que cela lui aurait bien plu à elle d’avoir ce compagnon de route près d’elle durant les mois de juillet et d’août, où bien seule alors, ayant quitté ses amis, elle se retrouvait dans une ville dont elle n’avait aucun souvenir.
Les dessins sont magnifiques et vous reconnaîtrez aisément la patte de Jack Koch. Les textes sont signés Amélie Antoine, mon auteur chouchou qui met toujours un peu un vrac mon petit cœur. L’association des deux fonctionne à merveille. Cet album est tendre, optimiste et vous permettra de passer un très joli moment avec vos enfants. Si vous avez déménagé, comme cela fut le cas de notre famille, il permettra aussi d’ouvrir une discussion… « Et toi alors ? Comment tu te sens dans ta nouvelle école ? » Vous verrez que les réponses ne sont pas forcément celles auxquelles vous vous attendiez….