Aude Bouquine

Blog littéraire

Le nouveau roman de Christian Blanchard « Tu ne seras plus mon frère » nous emmène en Syrie, au cœur d’un conflit entre les pro Bachar el-Assad et la rébellion ivre de liberté. Nous sommes en 2011 au sein d’une famille dans laquelle la mère est musulmane, le père catholique. Les deux fils ont des opinions politiques diamétralement opposées : Kasswara rejoindra les forces de l’ASL, l’Armée syrienne libre, et son frère Kamar intégrera le mouvement pour soutenir Bachar. De fait, les deux frères deviendront frères ennemis. Parallèlement, en 2019, Florence Dutertre, assistante sociale encadre le retour en France des « lionceaux du califat », Ashbal, des enfants partis avec leurs parents faire le Djihad nés en France ou en Syrie, mais de parents français. Ces enfants ont été nourris à la propagande, se sont entraînés dans des camps au maniement des armes. Ils deviennent de petits tueurs pour Daech, mais aussi de potentielles bombes à retardement à leur retour en France. Le désendoctrinement doit s’organiser, mais c’est sans compter un sniper présent sur le territoire qui les abat dès qu’ils posent le pied sur le sol français.

Ce roman est vraiment intéressant pour plusieurs raisons. D’abord, il est très didactique, sans être fastidieux. Les enjeux du conflit en Syrie sont très bien développés, de même que les risques que cela engendre à l’étranger, notamment sur le sol français. Le rappel des différents attentats que nous avons vécus sur notre sol nous le remémore. Ensuite, il est passionnant de suivre des opinions politiques opposées dans une même fratrie. Christian Blanchard démontre parfaitement bien à quel point les divergences idéologiques peuvent détruire une famille et déclencher une haine incommensurable entre deux frères qui se sont toujours aimés. «Notre vie aura été en grande partie un gâchis. Cette guerre fratricide nous a détruits. Notre lien de sang vient d’être rompu. Notre haine l’un pour l’autre va reprendre le dessus.»

La dextérité de l’aîné au maniement des armes et son courage en faisait un modèle à suivre dans les yeux du cadet, tant et si bien qu’il aspire à exercer la même profession que son grand frère, tireur d’élite, sauf que les appétences politiques ne sont pas toujours similaires sous prétexte d’être frères. Par opposition, les différences d’opinions entre le père et la mère sont du même acabit sans que cela ne les déchire pour autant. Moins fiévreux que leurs enfants, ils ont pourtant des opinions tranchées qu’ils gèrent différemment : l’un par la lecture de différentes sources de presse, l’autre par un silence plus ou moins désapprobateur. Ils se souviennent d’aimer unanimement leurs enfants, quel que soit leur camp. 

Enfin, l’auteur va plus loin dans sa réflexion par l’intermédiaire du personnage de Florence Dutertre. «Dans mon travail, je dois me poser la question suivante : ces gamins sont-ils dangereux, ou insérables dans notre société?» Celle-ci a pour mission d’accueillir en France des enfants qui ont été endoctrinés toute leur vie. Le sujet est d’actualité et a soulevé bien des polémiques : que faire de ces enfants nés sur le sol français, partis en Syrie avec leurs parents qui reviennent en France ? Comment s’assurer qu’ils ne prévoient pas de se faire sauter au milieu d’une foule ? Comment défaire le noyau de l’enrôlement idéologique et les remettre dans un mode de pensée où ils seraient capables de réfléchir par eux-mêmes ? Car, «Une drôle de guerre fratricide se déroule en Syrie, mais le terrorisme s’exporte. L’idée est simple, mon ami : semer la panique partout où c’est possible.» Cette problématique de notre société ne peut qu’interroger le lecteur sur ce conflit et ses conséquences à l’échelle internationale, car il s’agit bien d’enfants dont on parle, d’enfants de 4 et 16 ans dont les cerveaux ont été farcis par des monstruosités. 

Pourtant, et je ne dévoile rien puisque ceci est précisé dans la 4e de couverture, un sniper les exécute un par un dès leur arrivée sur le territoire. Hors de question de laisser aux «lionceaux du califat » la possibilité de tuer la population en orchestrant des attentats meurtriers ou en suivant une logique fortement incrustée dans leur mental. C’est lors de la découverte de l’identité du sniper que Christian Blanchard me perd. Totalement. J’ai relu plusieurs fois la fin en cherchant des indices qui me permettraient de justifier ce choix, de me montrer que j’avais mal interprété certains signaux, mais je n’ai trouvé aucune logique à ce dénouement. Pour moi, cela ne fait aucun sens, cela ne se justifie pas et remet en cause l’ensemble du roman m’amenant même à penser que je n’avais finalement rien compris au conflit en Syrie. 

Alors ? Que dire ? D’une part, je voudrais vous encourager à le tenter si vous souhaitez comprendre les tenants et les aboutissants de cette guerre, en saisir les enjeux, pénétrer dans l’esprit de ces deux frères et appréhender leurs points de vue. L’éclatement de la cellule familiale de par leurs divergences d’opinions, l’amour si proche de la haine dissimule de nombreuses émotions, souvent contradictoires chez le lecteur. D’autre part, d’éventuellement m’apporter un éclairage sur cette fin qui me pose vraiment problème et dont la logique m’échappe totalement.

Je remercie les éditions Belfond de leur confiance.

6 réflexions sur “TU NE SERAS PLUS MON FRÈRE, Christian Blanchard – Belfond, sortie le 11 février 2021.

  1. Yvan dit :

    pas convaincu… Je passe mon tour cette fois

  2. Aude Bouquine dit :

    La fin c’est pas possible…. incompréhensible

  3. Aude Bouquine dit :

    Pas étonnée… et tu vas t’énerver !

  4. Yvan dit :

    Ben non, puisque je passe mon tour

  5. Aude Bouquine dit :

    Je reformule : ça t’énerverait si tu le lisais. On va y arriver 😉

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