« La confidente » est un roman noir psychologique qui traite des relations au travail. Une secrétaire intérimaire, Christine, se voit confier l’un des postes les plus importants de la société : assistante particulière de Mina, à la tête de l’entreprise. Précédemment, elle était celle de Lord Appleton, le père de Mina. Mina est un personnage trouble, un peu fille à papa, née avec une cuillère d’argent dans la bouche, à qui l’on a donné de grosses responsabilités (peut-être un peu trop grosses pour elle) et qui souhaite se démarquer de son prédécesseur de père en prenant des directions différentes pour l’avenir de l’entreprise. Les supermarchés Appleton travaillaient avec de petits producteurs, vantant ainsi des relations équitables pour achalander les rayons de leurs magasins, et c’est tout ce système que Mina souhaite secrètement peu à peu métamorphoser. L’appât du gain peut faire faire des choses peu recommandables…
Christine, qui n’a jamais eu un poste de cette importance se sent pousser des ailes. Enfin, une reconnaissance dans le domaine professionnel, de quoi briller un peu en société, mais surtout dans les yeux de son mari : nouveau poste, salaire en conséquence, responsabilités accrues. C’est important pour une femme de se sentir reconnue. C’est en partie à cause de ce besoin de reconnaissance que Christine va se laisser entraîner dans une spirale qui va progressivement la dépasser, car Mina est loin d’être une patronne comme les autres. Elle est tyrannique, omnipotente, et grappille progressivement du terrain, effaçant peu à peu la faible limite qui peut et doit exister entre vie privée et vie professionnelle. Les ambitions de l’une trouvent un point d’accroche dans les rêves « d’être importante » de l’autre. Mina sait parfaitement bien comment susciter l’implication de « cette nouvelle domestique » tout entière dédiée à son nouveau rôle. Ce roman est entièrement axé sur les relations de patron à employé mais ce seul pitch serait un peu simpliste. Vous vous doutez bien que Renée Knight vous a concocté quelques surprises, quelques twists et de petites révélations qui vont donner du corps au récit. Le danger lorsqu’un binôme, même professionnel est aussi fusionnel, est que parfois, la créature se retourne contre son créateur et forte des secrets accumulés, elle a tendance elle aussi à vouloir prendre le pouvoir.
Alors qui domine vraiment ? La gentille petite assistante ou la chef d’entreprise bénéficiant de tous les pouvoirs ?
Vous l’aurez compris, nous sommes vraiment au cœur d’un roman psychologique qui oscille entre fidélité et dévouement, tendant peu à peu vers l’obsession maladive. Je me suis surprise à me prendre d’affection pour l’une des deux (je ne vous dirai pas laquelle) et parfois même à ressentir de l’empathie pour elle. J’ai apprécié la force, mais aussi la fragilité de ces deux femmes dans cette relation de travail ambiguë où clairement les barrières n’ont pas été précisées dès le départ.
L’autre point intéressant c’est de découvrir l’envers du décor de l’industrie agroalimentaire. Je ne m’en cache pas : c’est une industrie que je déteste, une industrie sans conscience, sans réelle ambition de respecter ses intermédiaires, pour ne pas dire faire du fric sur leurs dos. Souvenez-vous des grandes manifestations agricoles dans notre pays où les producteurs déversaient des litres de lait dans les rues, justement à cause du prix d’achat des grandes centrales alimentaires, vendant même parfois à perte. Un secteur fort inhumain démontrant encore une fois à quel point notre système est pourri, mortifère et profondément injuste.
Pour résumer, adeptes des thrillers psychologiques, allez-y : vous passerez un bon moment à parler à votre livre ou même à tempêter. Je l’ai lu entre deux romans extrêmement sombres, et c’était la lecture qu’il me fallait à ce moment-là, un peu moins anxiogène, mais certainement pas dénuée d’intérêt.
Je remercie les éditions Fleuve de leur confiance.
Je passe dorénavant mon tour avec ce genre de thriller, j’en ai trop lu et même ta belle chronique ne me fait pas changer d’avis
Je sais 😉
Je viens de le finir, bien aimé même si parfois j’ai eu envie de baffer Christine… heureusement la riposte la fait remonter dans mon estime.