Aude Bouquine

Blog littéraire

Si vous êtes mère d’une fille, vous avez forcément vu « LOL », un film réalisé en 2009 par Lisa Azuelos qui traite des relations mère-fille. Elle récidive en 2019 avec « Mon bébé » qui décortique la même thématique. « La vie en ose » laissait présager une continuité des thèmes, mais cette fois-ci Lisa Azuelos va plus loin : elle dissèque le syndrome du nid vide. Alice, 53 ans a consacré toute sa vie à son foyer. Son mari l’a plaquée pour une plus jeune, et ses enfants ont quitté le nid. Seule, face à elle-même, elle doit réinventer sa vie. En n’étant plus ni épouse ni mère, Alice ne sait plus qui elle est. « Qui est-on, à quoi sert-on quand on n’est plus la femme ou là mère de quelqu’un ? »

Le vide, voilà ce qui reste à cette « princesse moderne d’un conte défait ». Obligée de déménager et de renoncer au confort que son mari lui offrait, Alice désormais seule, va devoir se mettre à travailler. « Il y a plus de vingt ans qu’Alice a renoncé à toute ambition pour se consacrer à des gens qui sont partis. » Pas facile de ne pas se complaire dans cette forme de colère grandissante et vorace qui pourrait tout emporter sur son passage. Alice a un mauvais génie qui lui parle dans sa tête et veut l’empêcher d’avancer, mais « Fear is the enemy, l’ennemi c’est la peur » et ça elle en a bien conscience. « La peur, c’est ce qui empêche d’oser. »

Ce roman avait tout pour me parler : le nid vide je connais. Sur six enfants, il n’en reste que deux à la maison et encore, l’une d’elle vit en internat. Après des années à avoir râlé à cause des conduites, des devoirs, des activités sportives, des agendas à respecter, des courses, des heures de cuisine et du linge, qui me mangeaient un temps précieux, je me suis retrouvée sacrément seule le jour où, justement, j’ai été seule. Que faire de tout ce temps désormais devant moi quand avant je n’avais le temps de rien ? Peut-être était-ce le moment rêvé pour devenir le « touriste de sa propre vie. » 

Se réinventer n’est pas une chose facile. Il faut être au bon endroit au bon moment, laisser pousser ses envies sans les réfréner, prendre conscience des barrières qu’on s’inflige à soi-même, les faire voler en éclat et avancer en apprenant à s’aimer puisque personne ne le fait à votre place. Briller dans ses propres yeux, un challenge difficile à relever lorsqu’on n’a pas pris l’habitude de penser à soi. 

Lisa Azuelos a construit un roman « qui fait du bien », une forme de quête initiatique où le but est un rendez-vous avec soi-même. Il y a dans ce texte une forme de développement personnel puisqu’Alice écrit dans un journal qui commence par « chère Moi ». Je crois que c’est cet aspect qui m’a un peu gênée. Ces interludes avec elle-même ont quelque peu coupé les émotions du récit pour donner des conseils d’ordre général, presque psychanalytiques sur une potentielle méthode à suivre que l’on pourrait s’appliquer à soi-même. Alors, le lecteur n’est plus tout à fait dans l’imaginaire que je recherchais personnellement dans mes lectures à ce moment-là, il est face à sa propre réalité. Du coup, l’empathie avec Alice a du mal à se créer. 

Ce livre plaira aux adeptes des ouvrages de développement personnel qui cherchent dans leurs lectures des phrases, somme toute très vraies, à s’appliquer à soi-même « ce qui est à l’extérieur n’est plus à l’intérieur. Et ce qui était à l’intérieur me rongeait à petit feu. » Il m’a manqué l’aspect romanesque, l’évasion de ma réalité et certainement d’entendre ce que je n’avais pas réellement envie d’entendre à cette période-là. « Mon Dieu, comme je me suis oubliée. » Il faut être prêt pour ce genre de roman, clairement je ne l’étais pas pensant que je plongeais dans une fiction. Cependant, j’en retiens des mantras notés au gré de ma lecture qu’un jour je déciderai peut-être de m’appliquer à moi-même, comme : « la machine à douter s’est remise en route. (…) elle a la puissance d’un rouleau compresseur. » Il y a de très belles pensées à retenir dans ce roman, je vous le recommande. Sachez simplement où vous mettez les pieds : en vous, et pour cela, il faut en avoir l’envie et le courage. 

Je remercie les éditions Belfond de leur confiance. 

 

 

3 réflexions sur “LA VIE EN OSE, Lisa Azuelos – Belfond, sortie le 11 juin 2020.

  1. martinemartin85 dit :

    J’ai eu une période ou j’aimais beaucoup les livres de développement personnel, mais je m’en suis lassée peut-être à cause de ou peut-être grâce à Laurent Gounelle dont j’ai lu tous les livres romancés certes. C’était à une période où je me cherchais, mais depuis je me suis trouvée. Je crois qu’en tant que lecteur, on a des périodes où on est plutôt réceptifs à certains genres ou thèmes de romans qu’à d’autres.
    Merci encore pour cette excellente critique (comme d’habitude).

  2. Aude Bouquine dit :

    On me conseille souvent Gounelle. Il faut que j’en tente un, un de ces jours 😉

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