Aude Bouquine

Blog littéraire

Giuseppe Giangrandi vit seul dans un petit village d’Émilie-Romagne, Italie. « Celle qui était née pour lui », Philomène, sa femme est décédée depuis une cinquantaine d’années. Il ne s’est jamais remarié. À l’aube de sa mort, il fabrique sa dernière paire d’escarpins rouge, une paire un peu magique dans laquelle il glisse volontairement une malfaçon. Une farce lancée au destin semblable à un conte de fées. Après des années de recherche, un mystérieux notaire trouve enfin une descendante à qui faire profiter des biens du vieux monsieur : Eddie. Profondément citadine, mais désireuse de « fuir Paris et sa monotonie », avide de connaître ses racines, la jeune femme décide de se rendre sur place pour prendre possession de son héritage. La maison qu’elle découvre alors, dans la région de Parme, provoque chez elle une sérénité jamais réellement éprouvée. Celle que l’on appelle déjà la Castellana est bien décidée à vivre là, malgré le peu de confort, la ferme en ruine et les fantômes supposés la peupler.

Le personnage principal de ce roman est un domaine qui se mérite : il est situé à une heure de marche du village, érigé à flanc de colline, flanqué de plusieurs bâtiments, au cœur d’une végétation épaisse et indomptée, luxuriante et lumineuse. Il recèle mille endroits secrets, des portes dérobées, un jardin extraordinaire, un dédale de caves mystérieuses et un chêne majestueux surnommé « le chêne aux sorcières » qui abrite les âmes des deux amoureux qui vivaient là. C’est une incroyable atmosphère de paix qui se dégage de ce lieu à travers les ravissantes descriptions faites par Nathalie Hug, un jardin extraordinaire que l’on peut voir avec un peu d’imagination… « Peut-être était-ce ce qui me plaisait (…) personne à des kilomètres à la ronde, la nature aussi indomptée qu’une sauvageonne, et la lumière d’un début de monde — l’espoir d’une dolce vita. »

Il fallait placer au centre de ce tout paisible, doux et calme, une âme tourmentée… Eddie est orpheline depuis ses 16 ans. Elle a bouclé son cœur à double tour, elle tient le malheur et le bonheur à distance, elle veut être transparente, elle se cache derrière « une cape d’invisibilité », elle s’est mis dans le crâne que le suicide de ses parents est « une preuve scientifique qu’être heureux portait malheur ». Elle évite de ressentir le moindre attachement pour quiconque, la moindre émotion « parce que ce qui est beau se flétrit, et ce qui vit meurt, et qu’elle ne voulait plus souffrir. » Pourquoi s’est-elle construit ces murs ? Quels sont les souvenirs qu’elle cache ? Pourquoi refuser d’aimer et d’être aimée ? Que va-t-elle apprendre d’elle-même en vivant là ?

La vie dissimule parfois de curieux rendez-vous. Des âmes disparues veillent sur vous. Si le bonheur ne vient pas toujours des gens, il peut venir des lieux. Des lieux capables d’exhumer des terreurs enfouies, des réalités inventées, des souvenirs tronqués. Avoir placé ce cœur troublé au milieu de ce lieu de quiétude fait toute la beauté de ce roman. Nathalie Hug parvient à retranscrire cette ambiance presque céleste, qu’il faut appréhender comme une trêve silencieuse hors de notre monde un peu fou, pour favoriser un peu d’introspection. Je me suis beaucoup reconnue dans le personnage d’Eddie, celle qui a construit un « trou noir relationnel », cette jeune fille devenue adulte qui affirme « mais la colère était tout ce qui me restait de l’enfance, dont j’avais oublié l’essentiel. » Le destin vous prend parfois sous son aile et met sur votre chemin quelqu’un capable de faire tomber vos murs si résolument construits. C’est un peu ce qui arrive à Eddie, et qui fait aussi, le charme de cette histoire. Pour la connaître, il va falloir ouvrir le livre…

Nathalie Hug est la moitié d’un binôme appelé les CamHug. Leurs romans, plutôt noirs et récemment très citoyens, sont écrits à quatre mains. Dans celui-ci, elle a mis son cœur à elle, ses rêves de tranquillité, son petit coin de paradis, et cette femme qui n’est finalement qu’une invitée dans un lieu qui favorise la médiation. La main de l’homme n’est jamais très loin, puisque l’on existe aussi grâce au regard de l’autre, et dans les yeux de l’autre. Le jardin va rester, des murs vont tomber, des émotions vont naître.

En fermant le roman, je visualise « le chêne aux sorcières », ses branches propices aux confidences, ses racines qui jaillissent de la terre comme des vérités, et la dernière page dédicacée à… C’est beau d’aimer et d’être aimée.

« Auprès de mon arbre, je vivais heureux, J’aurais jamais dû m’éloigner de mon arbre. Auprès de mon arbre, je vivais heureux, J’aurais jamais dû le quitter des yeux… » G. Brassens

Je remercie les éditions Calmann-Lévy et Netgalley de leur confiance.

#Commeunenchantement #NetGalleyFrance

 

7 réflexions sur “COMME UN ENCHANTEMENT, Nathalie Hug – Calmann-Lévy, sortie le 26 février 2020.

  1. Dans ma liste hate de découvrir

  2. Magnifique !! J’avais eu l’occasion de lire sa plume avec rue des petits pas ( je me rappelle plus le titre exact) et j’avais beaucoup aimé ce qui s’en dégageait. Merci beaucoup Aude, je vais me laisser tenter ❤️

  3. Aude Bouquine dit :

    Je suis sûre que ça va te plaire, je ne sais pas pourquoi, une intuition 😉

  4. Aude Bouquine dit :

    Ah Katia !!! Que ce roman m’a emportée !!! Magique !

  5. Vu ta chronique je pense oui

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