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LE CHEMIN DES AMOUREUX, Louison – Robert Laffont, sortie le 9 janvier 2020.

Vous avez remarqué la propension qu’ont les gens à vous proposer un verre d’eau quand vous n’allez pas bien, quand vous faites une crise de panique ou que vous vous mettez à fondre en larmes ? Comme si boire ce verre d’eau allait résoudre tous vos problèmes d’un simple coup de baguette magique ? Juliette, l’héroïne de ce roman va en boire des litres, puis décider d’arrêter les verres d’eau, car figurez-vous que boire un verre d’eau ne change rien à son destin tantôt tragique, tantôt euphorique. Juliette n’a pas la vie de Madame Tout-le-Monde. Sa vie à elle est étroitement liée à des évènements de l’Histoire avec un grand H, sans qu’elle le veuille… Une certaine prédétermination d’une fée malhabile penchée sur son berceau qui associerait volontairement évènement heureux et évènement malheureux pour l’empêcher d’oublier. Joies et poisses font donc partie de son quotidien : quand elle est heureuse, il survient un évènement catastrophique, quand elle subit une perte terrible, le pays est en liesse. Allez donc comprendre pourquoi le destin décide de s’acharner ainsi dans son devoir de mémoire.

Ainsi, le petit Joseph naît le soir du 13 novembre 2015. À cette émotion qui balaie tout sur son passage pour ces deux jeunes parents en devenir, il faudra compter avec la tête d’enterrement du personnel soignant… Quand le pays tout entier est en liesse, le 15 juillet 2018, Juliette vit les heures les plus tragiques de sa vie. Une belle façon pour l’auteur de démontrer que les émotions, bonheurs et malheurs sont extrêmement proches et qu’il suffit d’un rien pour basculer dans l’autre camp. Vivre une joie intense quand le pays tout entier souffre ou pleurer de désespérance quand la nation entière chante son hymne national, c’est avoir l’impression d’être complètement décalée du monde. La petite et la grande histoire ne sont pas toujours en phase avec nos émotions.

Ce roman est un succédané de souvenirs, de détails qui peuvent sembler insignifiants ou de décisions essentielles qui définissent un chemin de vie. Une trace de café sur une table en formica devient le prétexte de décisions majeures et profondes. S’il comporte des drames, ce roman les compense par d’immenses éclats de rire. Pas facile de faire rire en racontant des tragédies… Et pourtant, Louison excelle dans l’exercice. Pas de prétention dans l’écriture, pas d’emphase à coup de grandes phrases pompeuses, pas d’extrapolation d’émotions pathétiques. Tout sonne vrai. Le lecteur navigue entre rires et larmes et ce reflet des secousses de la vie n’en rend la lecture que plus réussie puisqu’on peut s’identifier à ces personnages avec une grande facilité.

Louison est dessinatrice de presse depuis plusieurs années. Elle a réellement perdu son amoureux en juillet 2018. Elle explique combien cette liesse populaire lui crevait les tympans alors qu’elle-même avait envie de crever. Le reste est, dit-elle, romancé. Il n’empêche que cette sincérité transpire dans l’écriture, que les émotions passent, comme les rires ou les larmes, qu’elle fait autant preuve d’une grande sensibilité que d’un intense sens de l’humour. C’est encore là un roman sur la mort qui parle au fond de la vie, qui transmet la vie, qui illumine la valeur de l’existence. Le titre n’est pas innocent, je vous laisse en découvrir le sens, la couverture reflète parfaitement l’un des moments phare du roman.

« La douleur, c’est tout à coup un divorce entre le corps et l’esprit. Pendant toute une vie, la cohabitation se passe plutôt sans heurt. Bien sûr, les matins de gueule de bois, le corps s’adonne à une basse vengeance sous prétexte que, la veille, l’esprit a cru qu’il était le plus fort des deux. Les deux forment un vieux couple, équilibré, car complémentaire. L’un pousse à un peu de folie, l’autre raisonne quand les excès sont trop nombreux et rapprochés. »

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