Aude Bouquine

Blog littéraire

Rose est chercheuse. Elle étudie les insectes et particulièrement la Lamprohiza Splendidula dite luciole alsacienne. Ses recherches la mènent vers d’infinies possibilités : soigner le cancer sans effets secondaires ou investir dans l’industrie cosmétologique pour dompter le vieillissement. Rose travaille avec Léo… qu’elle ne voit pas… Jusqu’à ce fameux dîner dans un restaurant alsacien où la choucroute, et les saucisses se transforment en allégories plus charnelles…. Rose vit dans la même maison que sa grand-mère, et que sa mère. Trois générations de femmes sous le même toit, ça fait des étincelles, surtout quand l’une se prend pour une diva, et l’autre semble cacher un lourd secret. Un secret, comme un fardeau qui se transmet de génération en génération aux dépens des protagonistes.

Les romans de Katherine Pancol sont souvent basés sur un matriarcat omniprésent. Elle exploite finement les relations mère-fille, avec justesse et pertinence, mais aussi les relations grand-mère-petite fille. Ici encore, l’amour saute une génération. C’est Babou, la grand-mère tendre et secrète qui distille l’amour dans les veines de Rose. Et pourtant… Nulle n’est irréprochable. À chaque génération, ses erreurs. À chaque génération des événements cruels se reproduisent, se transmettent, dans le silence le plus complet… « Il faut recréer le passé pour s’en débarrasser, disait Balzac. Une fois que vous revécu les scènes qui vous ont traumatisée, vous les rangerez dans une boîte et elles ne vous tourmenteront plus. Votre disque dur sera nettoyé, vous repartirez de zéro. » Car oui, Rose fait des malaises, à chaque fois qu’elle voit un pompon de marin… Pas banal comme crise de panique…

Katherine Pancol sait distiller avec une incroyable précision ce qui fait le charme et la douleur d’une relation mère-fille. Entre vérités bien senties, quête d’être aimé, jalousie fratricide, elle appuie toujours là où ça fait mal, ou là où ça nous ramollit le cœur. Un talent rare qui nous peut faire rire et pleurer à la fois, sur une même page. Avec elle, c’est toujours un tourbillon d’émotions, son écriture chantante, extrêmement musicale par ses phrases ponctuées de virgules où les mots s’entremêlent, évoquant plusieurs idées à la fois, provoque une forme d’ensorcellement symphonique.

Outre les relations humaines, il est question aussi de la sexualité des insectes. Vous allez apprendre des trucs ! Joli prétexte pour parler de celle de ses héroïnes, sans fard, et sans fausse pudeur, en appelant un chat (si je peux dire), un chat ! Formidable opportunité également pour évoquer les arcanes du désir féminin, les fantasmes inavoués, les allusions « bouchères ». Le décalage entre les désirs féminins et les comportements masculins prennent la forme de fossés infranchissables, autant pour la mère suspectée d’avoir beaucoup « sucé » pour y arriver, que pour la fille saucissonnée comme une paupiette dans ses rêves intimes sadomasochistes.

« Raymond, l’amant de sa mère, ne s’était pas moqué d’elle. Cent soixante mètres carrés au cinquième étage, plein sud. Cela signifiait un grand nombre de pipes. Rose tenta de calculer combien ça faisait au mètre carré. Elle se demandait si sa mère avait dessiné des bâtonnets sur un cahier pour s’encourager comme les gens qui vont sortir de prison ou les enfants avant Noël. C’était une coriace. Elle ne rechignait pas à la tâche. »

Des rires francs, de l’émotion pure, tout ce que j’aime chez Katherine Pancol, sont réunis ici. Elle se pose toujours comme grande observatrice de notre temps, avide de petits détails qui font les grands propos, soucieuse de refléter un je-ne-sais-quoi latent de nos vies en cours. J’ai une immense tendresse pour cette femme au parcours atypique, amoureuse de la Normandie et de New York, éprise de mots, jamais dans le jugement, profondément passionnée par l’Autre. Elle n’a pas son pareil pour décrire les relations humaines au sein de la famille, c’est dans ce domaine précisément que je la trouve génialissime.

« La malveillance, c’est de la paresse intellectuelle. La bienveillance aussi, parfois. Elle peut même être suspecte. Une manière habile de se débarrasser des gens. On les écoute avec un grand sourire, mais on ne les entend pas. On n’a qu’une envie, c’est d’en finir. »

6 réflexions sur “BED BUG, Katherine Pancol – Albin Michel, sortie le 30 Octobre 2019.

  1. Je suis comme toi, je n’ai pas lu beaucoup de ses romans mais j’adore la femme ! C’est toujours un plaisir de l’écouter 😊

  2. Aude Bouquine dit :

    J’ai lu TOUS ses romans : je suis une fan inconditionnelle 😉
    J’adore son écriture et la pertinence de son analyse familiale.

  3. J’ai lu les yeux des jaunes des crocodiles et le deuxième. J’ai Muchachas dans ma pal mais je préfère celui là tu m’as fort donné envie de la relire 😅

  4. Aude Bouquine dit :

    Tu vas beaucoup rire 😂

  5. J’en ai bien besoin en ce moment !!!😅🤣

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