Aude Bouquine

Blog littéraire

Cette chronique se veut objective, et constructive. Je n’aurais pas la prétention de tenter de résumer ce roman, mais je veux dire merci à l’auteur d’entrée de jeu de m’avoir appris un nouveau mot. « Anamnèse », retour à la mémoire passée vécu et oublié, ou refoulé. Oui, j’ai ouvert un dictionnaire, j’aime au moins comprendre le titre du roman que je lis.

Ceux qui me suivent savent que je n’avais pas aimé le premier roman de Salvatore Minni « Claustrations ». Je suis de celles qui pensent que le subjonctif imparfait alourdit considérablement un récit même si, il est certes beau à l’emploi, je ne le conteste pas. Et pourtant, contrairement à un commentaire de l’auteur sous une chronique de la blogueuse Jessica Blet, blog livresaddict (lien plus bas) et je cite : « Mais si déjà le premier vous avait plu moyen, il y avait de gros risques… Votre impatience m’étonne d’ailleurs. », je m’étonne moi aussi et en voici les raisons. Je n’ai pas de partenariat avec les éditions Slatkine, j’ai donc utilisé mes propres deniers pour acheter ce livre, malgré la déception du premier. Oui, je suis de celles qui laissent une seconde chance, toujours, et qui aiment découvrir la progression d’un auteur, particulièrement dans le domaine du noir. Ce commentaire laisse supposer que lorsqu’on n’accroche pas au premier livre d’un auteur, on n’accrochera pas au second… De facto, cela laisse supposer aussi que lorsqu’on aime un roman d’un auteur, on aimera tous ceux qui suivent. Cela est, à mon sens, une hérésie.

Le roman fait 282 pages. Voici les noms des personnages que le lecteur trouve dans les 48 premières : Rosalie, Jack Lee, Ingrid, Madame Lee, Émilie, Lily, Victoria, Marie, Mathieu, Paul, Vanessa, Sophie, Sonia, François, Rebecca, Virginie, soit 16 personnalités différentes, et j’emploie ce mot à dessein. Comprenez que je me sois sentie un peu déroutée par l’ampleur de prénoms parfois très ressemblants et qu’à cette liste vont se rajouter Luc Simon, Joséphine, et Éléonore. En ce qui me concerne, cela m’a obligée à prendre des notes et à griffonner des remarques dans le livre lui-même. Ensuite, j’ai une remarque à faire sur l’espace-temps, car il me semble que nous ne sommes pas dans le même espace-temps à chaque chapitre, mais cela n’est pas précisé. Fin du chapitre 3, Paul se rend au tribunal pour commencer sa journée de travail. Début du chapitre 4, François lui « eut une subite envie de l’appeler, mais il se ravisa. Il était tard. Elle dormait certainement déjà », il termine sa journée. Désolée, mais là, je suis « Lost in translation ».

J’ai relevé des passages et surtout des enchaînements, notamment dans les dialogues qui m’ont semblé surréalistes. Page 47, Marie raconte ses cauchemars avec force détails pour se retrouver devant un mur de silence et un « Bon, le dîner est presque prêt, tu vas te régaler. », ça me semble en effet très à propos… Oui, c’est de l’humour…

Parlons maintenant de quelques incohérences. Chapitre 6, François part pour le Tibet, prend le taxi pour l’aéroport de Bruxelles. « Deux heures plus tard, François est confortablement installé dans l’avion. » Non ! Pour avoir traversé la planète dans tous les sens, aucune chance de mettre deux heures entre la montée dans le taxi et le décollage d’un avion à l’international. Cela est juste impossible. Vous me direz, ce n’est pas très grave… C’est vrai, sauf que cela altère de façon significative la crédibilité du roman après les 56 pages précédentes où je tentais désespérément de raccrocher les wagonnets. Je pose d’ailleurs la question de la pertinence du chapitre 6 qui ne sert vraiment à rien… puisqu’on n’y apprend rien !

Je passe sur des répétitions très irritantes du type description de la fillette dans le viseur de Jack Lee, de dialogues d’introspection de quelques personnages auxquels je n’ai personnellement rien compris, et des raccourcis surprenants : page 97, « À bout de souffle, Jack Lee se leva et considéra son œuvre. Habitué aux scènes de crime, il gomma toute trace qui aurait pu attirer sur lui l’attention des enquêteurs. »… Ben voyons, ne nous embarrassons pas de détails, et de quelques dialogues irréalistes (page 100), de téléphone qui sonne sans que personne ne décroche malgré la gravité de l’état de Marie (page 119).

J’arrive à la seconde partie, la trame de fond et la mise en place des clés nécessaires à la résolution d’un thriller psychiatrique, « aux frontières de l’inconscient ». Mais, je suis définitivement perdue… Paul qui voulait à tout prix se venger de Vanessa ne lui veut finalement plus aucun mal… alors que toute la première partie évoquait cette soif de vengeance. Un homme s’introduit chez Marie, mais elle décide de ne pas appeler la police, elle préfère se reposer d’abord. Je ne comprends plus…  Page 159 et suivantes, le dîner surréaliste entre Paul et Sophie où les réactions de Sophie sont si peu vraisemblables que j’ai presque eu envie de rire, partagée entre agacement croissant et opacité flagrante et d’autres exemples de cet acabit que je ne vais pas énumérer ici.

Force est de constater que plus j’avance dans le récit, plus je suis perdue. Loin d’être une sensation agréable, ou même excitante, je commence franchement à perdre patience. Je me perds totalement dans les actions ou les paroles des différents personnages, je ne sais plus qui est qui, et quand je crois enfin savoir, finalement je m’aperçois que je n’en sais en fait rien. Pour moi, l’intérêt de ce genre d’exercice est de donner des clés et de surprendre le lecteur, mais en créant une construction plausible et réaliste (cf. « les refuges » de Jérôme Loubry) avec une fin où tout devient limpide . Ou alors, en lisant la fin, de reprendre le livre à rebours pour en analyser les indices, comprendre les enchaînements et être en capacité de faire les liens qui s’imposent, ce que j’ai fait. Compilant mes notes, la fin, les chapitres précédents, je n’ai pas réussi à visualiser le plan de construction de la trame.

Alors quoi ? Ayant lu et relu la fin, compris de quelle thématique l’auteur a voulu nous parler, je n’ai strictement rien compris au montage du roman. Les nombreuses incohérences, la trop forte volonté de l’auteur de vouloir perdre son lecteur fait qu’il m’a bien perdue… sans me retrouver. Les personnages manquent cruellement de profondeur pour que j’aie pu m’y attacher, les scènes manquent de précision et de vraisemblance, les dialogues sont souvent creux. Ceci est mon ressenti, il n’engage que moi, mais il est le reflet exact de mes émotions de lecture. Je ne peux que me targuer d’être une lectrice passionnée, qui a lu énormément de romans de littérature noire et qui peut vous livrer un retour honnête que j’espère constructif. J’engage vivement d’autres lecteurs à tenter l’aventure pour que nous puissions par exemple en discuter sur le groupe « A livres ouverts ».

Chronique de Jessica

4 réflexions sur “ANAMNÈSE, Salvatore Minni – Slatkine et Cie, sortie le 17 octobre 2019.

  1. Tu as le droit de ne pas aimer et c’est tout à ton honneur de le reconnaître. J’aime bcp ce retour lecture objectif (c’est le but). Je vais lire Anamnèse et ça sera une découverte. A suivre pour en discuter.

  2. C’est sûr que ton avis refroidi un peu mon enthousiasme, mais j’ai quand même très envie de lire ce livre !

  3. Aude Bouquine dit :

    Chacun doit se faire son avis 😉

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