Aude Bouquine

Blog littéraire

À l’heure des vacances, que diriez-vous d’une petite retraite en pleine campagne ? Personne, rien que vous, la nature, les chemins de randonnée, le chant des oiseaux, un peu de calme qui aide à l’introspection. C’est la merveilleuse idée qu’a eue Théo, après 19 mois passés en prison. Un break avant de retourner voir la femme de sa vie. Il faut croire que le destin, ou le karma se chargent parfois de défier vos plans. Ici c’est la rencontre inopinée avec deux petits vieux, qui vont lui pourrir la vie, l’enfermer à la cave, attaché, et ne l’utiliser que pour travailler à la ferme qui va annihiler son existence. La vie de Théo devient rapidement un cauchemar éveillé.

Après avoir lu « Juste après la vague » et plus récemment « Les larmes noires sur la terre », il fallait bien que je m’attaque au tout premier roman de Sandrine Collette. Je sais, je fais tout à l’envers ! Pourquoi celui-ci ? Parce que les avis sont quasi unanimes : la dame semble avoir frappé fort avec ce premier roman qui prend aux tripes et ne vous laisse pas reprendre votre souffle. Sorti aux éditions Denoël en janvier 2013, il a donc aujourd’hui plus de 6 ans.

Les émotions qu’un livre nous procure dépendent souvent de ce que nous avons lu avant. Ce n’est ni la faute de l’auteur, ni de la faute du lecteur. Dans ce cas précis, ce livre m’en a rappelé plusieurs autres du même acabit, mais écrits bien après celui-ci. À titre d’exemple, voici quelques titres : Trouble passager de David Coulon (2019), les 7 jours du talion de Patrick Sénecal (2018), Vertige de Franck Thilliez (2011), Les morsures de l’ombre de Karine Giebel (2007)

J’étais donc en terrain plus ou moins connu, dans cette atmosphère anxiogène de séquestration. En cela, le scénario ne m’a pas apporté de réelles surprises, ni de grandes émotions, ni d’intenses moments de panique. Avec le recul, il apparaît que ce roman a été novateur, au regard de l’époque, mais je ne peux le prendre comme tel justement à cause de mes lectures antérieures. Alors oui, Sandrine Collette regorge d’idées pour faire vivre à son personnage principal des souffrances terribles, des situations humiliantes, des comportements inhumains.

En revanche, j’ai été littéralement captivée par la palette d’émotions ressenties par Théo à l’encontre de son compagnon d’infortune. Les sentiments qui l’envahissent, parfois très contradictoires, balayent toute l’étendue de la nature humaine en situation de stress intense. Je ne peux en dire plus sans en dire trop, mais cet aspect précis du roman est diablement réussi.

Je vous le disais, c’est un premier roman. Et j’insiste bien pour ne surtout pas vous laisser une impression négative de ma lecture après avoir parcouru cette chronique. Je n’ai absolument pas reconnu le style d’écriture de Sandrine Collette que j’affectionne tant. Beaucoup de « vrais » dialogues, pas de conversations insérées dans des descriptions, très peu de phrases longues, avec pléthore d’idées.

Si la psychologie du personnage principal, Théo, est bien développée, captivité et erreurs de vie obligent, en profondeur, avec force détails sur ses états d’âme, ses souffrances, ses blessures, le sentiment de trahison, sa peur, ses questionnements, je ne peux pas en dire autant des deux vieux qui l’ont kidnappé. D’abord, on ne sait finalement pas grand-chose de leurs histoires personnelles ce qui a pour conséquence de me laisser un peu sur ma faim : quelle est donc la raison essentielle de ce kidnapping ? Quel est le vécu de ces deux tortionnaires ? Comment en sont-ils arrivés à de telles extrémités ? J’aurais aimé en savoir plus, surtout qu’aujourd’hui, c’est pour moi une des grandes spécialités de Sandrine Collette.

Alors, en ayant lu le premier et l’avant-dernier roman récemment je constate à quel point, le style et l’écriture de cette auteur ont évolué. J’en reste même profondément admirative. Si elle sait construire des ambiances hautement toxiques, des portraits affinés et affûtés, elle a surtout un incomparable talent pour leur donner vie grâce à un style que je trouve personnellement vivant et travaillé. Cette lecture ne m’a pas déçue, ça ne rendrait pas justice à Sandrine que d’écrire cela, elle m’a surtout permis de savourer sa progression sur le chemin de l’écriture. Découvrir un auteur, le suivre, l’apprécier, demande aussi de pouvoir l’appréhender dans toute sa globalité. Cela implique également un peu de compréhension et de tolérance pour ses premiers écrits.

4 réflexions sur “DES NOEUDS D’ACIER, Sandrine Collette – Le livre de poche, sortie le 29 janvier 2014

  1. Yvan dit :

    Oh oui elle progresse de livre en livre, elle est devenue une auteure incontournable. Ce premier roman, déjà excellent, n’était que la prémisse de qu’elle est devenue maintenant

  2. J’ai un gros souci avec cette auteure, elle écrit bien, son style est sublime, ses histoires sont dramatiques et originales et pourtant je ne ressens jamais rien, tout glisse je suis hermétique ! A croire que je n’ai pas les bons, c’est très frustrant 😕

  3. Aude Bouquine dit :

    J’ai lu Après la vague : adoré, les larmes noires adoré. Pour celui-ci je suis plus mesurée mais c’est son premier. Si tu n’as pas lu les larmes, lis le, je suis sure que les émotions seront au rendez-vous 😉

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