Aude Bouquine

Blog littéraire

Lorsque l’on chronique les livres des autres, pas facile d’en écrire un soi-même. À n’en pas douter, on vous attend au tournant ! Cette peur-là, celle d’être jugée, peut-être donnée en pâture à ceux dont elle n’aura pas aimé les ouvrages, Lorraine ne l’a pas eue, ou l’a combattue. Il faut une sacrée dose de courage pour passer de l’autre côté de la barrière. Je salue ce courage, cette ténacité, l’ambition d’entrer dans la cour des écrivains. Le faire d’abord pour soi, faisant fi du quand dira-t-on, mais avant tout, construire un texte sur un sujet qui a interpellé, suscité la révolte, être déterminée dans le besoin d’en parler pour dénoncer le silence et prendre parti pour une cause qui est juste.

Pour moi, ce roman est un roman noir sociétal, mais c’est surtout un roman engagé. Je fais le choix de ne pas révéler la thématique dans cette chronique et je vous engage à ne pas lire la 4e de couverture. Lorsque j’ai ouvert ce roman, je n’en savais rien, ni thème, ni histoire. Je savais simplement que le récit s’ouvre avec Marius, enfermé dans un cachot. Comment est-il arrivé là, alors qu’il passait ses vacances à l’étranger ? Mystère… Pourquoi est-il détenu ? Mystère encore. Je me suis donc laissée porter par l’histoire ne sachant pas vers quelles sphères Lorraine allait m’emporter et je dois bien avouer que ça a été extrêmement jouissif ! Pas une seconde, je n’ai pu imaginer… Pas un instant, j’ai pensé que cette histoire allait me retourner les tripes de la sorte.

Ce roman est noir, considérablement noir. Les scènes qui y sont décrites défient l’entendement et toute humanité. Je n’ai cessé de penser à cette auteur, une femme, capable de décrire avec tant de justesse des instants apocalyptiques où l’humanité demeure simplement un concept. Il en fallait des tripes. Il fallait laisser sortir la révolte qui devait l’habiter en rédigeant le texte. Au beau milieu de ce carnage, terrifiant, révoltant, d’une histoire tirée d’un fait réel historique qui semblait tout tracé, Lorraine a réussi à me surprendre. Elle se paie le luxe d’offrir à son lectorat un joli twist au chapitre 19 qui relance considérablement l’intrigue. Dans ses remerciements, elle avoue avoir eu « envie de tout passer par la fenêtre » avec ce chapitre. Je veux lui dire qu’il est magnifiquement réussi et qu’il m’a véritablement scotchée ! Le chapitre 21 est tout aussi accrocheur, fait du même bois et ouvre des perspectives inattendues.

Vous trouverez des réflexions intéressantes sur la liberté de la presse, le culte de la pensée unique toujours si présente dans notre société, la déshumanisation, l’extrémisme. Je ne veux pas vous laisser sur l’impression que ce roman n’est que noir. Il est aussi une généreuse ode à la tolérance et à l’espoir. « L’espoir est le sentiment le plus douloureux. C’est une petite flamme, au fond du cœur, qui refuse de s’éteindre et qui réveille les souvenirs ; une petite flamme qui vous brûle le cœur à avoir envie d’en mourir. Mais c’est aussi et surtout la petite flamme qui vous maintient en vie, celle qui vous donne la force de vous lever chaque matin, d’affronter chaque épreuve, de vous endormir le cœur moins lourd. »

J’aimerais terminer par dire un mot sur les personnages. Pour certains, que vous allez cordialement détester, vous vous demanderez comment il est possible d’avoir une telle façon de penser et la fureur de perpétrer les ignominies répugnantes décrites. Dites-vous que de telles personnes ont existé et existent peut-être toujours. Ne vous inquiétez pas, Lorraine explique tout à la fin. A contrario, j’ai été séduite par la résilience d’autres, capables de se relever, d’y croire encore, et parfois, de se révolter, de trouver aussi, un bonheur simple dans des choses simples.

Je referme ce livre avec la sensation que l’objectif est atteint : réveiller les consciences. Je prends la pleine conscience des dérives du mot « terroriste » par des esprits dérangés au nom d’une doctrine surannée. Je veux dire à Lorraine mon admiration d’avoir trouvé les mots pour exprimer cette hérésie, mais aussi pour avoir été capable de générer tant d’émotions pour une thématique qui divise les opinions. De moins en moins certes, mais il existe encore de par le monde des endroits à tolérance zéro.

Pour un premier roman, le défi est relevé. Il va falloir compter avec elle : les voix féminines susceptibles d’influer sur la littérature noire. Je lui souhaite du succès, parce que le courage a été le déclencheur et l’aptitude à l’écrire le moteur. Il n’y a pas de hasard, mais de la volonté, du travail, et une détermination à laisser pousser ses envies.

#Hs7244 #NetGalleyFrance

 

 

 

 

 

 

7 réflexions sur “HS 7244, Lorraine Letournel Laloue – Belfond, sortie le 27 juin 2019

  1. J’ai voulu dire la même chose au début mais je n’ai pas osé ☺️
    Tellement en raccord avec ton avis 😉

  2. Aude Bouquine dit :

    Je me suis mise dans ses shoes, et ça aurait été ma première pensée : ils ne vont pas me rater !

  3. Lord Arsenik dit :

    Je suis en plein dedans, âmes sensibles s’abstenir.
    Heureusement mon âme en a vu d’autres 🙂 Très prenant comme lecture.

  4. Aude Bouquine dit :

    Oui il y a des scènes très dures, qui parfois te soulèvent l’estomac tellement tu te demandes comment on peut infliger des trucs pareils à des têtes humains….

  5. Aude Bouquine dit :

    Etres humains

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