Aude Bouquine

Blog littéraire

Écouter le Noir, c’est d’abord une envie profonde : redorer le blason de l’art de la nouvelle, parent pauvre de la littérature, et parvenir, par le biais de textes courts à happer le lecteur avec autant d’intensité que lors de la lecture d’un roman.

Écouter le Noir c’est ensuite un projet : rassembler plusieurs auteurs autour d’un thème commun, l’audition, en leur laissant carte blanche sur la manière de traiter le sujet et en leur laissant toute liberté d’action.

Écouter le Noir, prend racine dans l’histoire d’une expérience de vie personnelle, d’un accident… Une perte d’audition, la présence d’un « hum » permanent, « reposant sur de très basses fréquences (…) un vrombissement de moteur diesel » présent dans les oreilles 24 h sur 24, 7 jours 7. « Cette prison sonore », qui donne envie de se taper la tête contre les murs, devient la projection d’un autre moi et rend la vie quotidienne intolérable au bruit. Imaginez « tous ces bruits qui semblent lui transpercer les tympans et qui lui font si mal », vous aurez une bonne idée du cauchemar récurrent et du handicap intolérable de chaque instant.

Autour du mot audition, naviguent d’autres mots : bruit, silence, musique, entendre, écouter. Chaque auteur qui a contribué à cet ouvrage s’est approprié cet ensemble de réflexions pour construire une nouvelle originale, sans se trahir, en conservant son style, son phrasé et son identité. Les interprétations sont nombreuses et pas dénuées d’intérêt. Le résultat est jubilatoire !

Par exemple, que se passe-t-il lorsqu’on est sourd, « quand fermer les yeux, c’est se boucher les oreilles » ? Imaginez des jumelles, l’une sourde, l’autre pas. « Et même si elle n’entendait pas, j’étais ses oreilles. Je traduisais un monde de silence en un monde qu’elle pouvait comprendre ». 

Comment vivre dans un monde de silence ? « Un silence absolu, qui n’avait d’égal sur terre ? », un lieu dans lequel on entend « battre son cœur, l’air circuler dans ses poumons, le flux sanguin de ses artères ». Peut-on devenir le silence ? Celui-ci peut-il évoluer en quelque chose d’aussi insoutenable que le bruit permanent qui bourdonne dans nos oreilles ?

Comment un concerto inconnu qui n’évoque qu’« enfer, tourment, vengeance et douleur » peut-il crever les tympans et faire saigner les oreilles de son auditoire ? A contrario, comment un casque vissé sur la tête, porteur de souvenirs et de sensations toutes fraîches peut, le temps d’un instant, nous transporter dans une autre réalité tellement plus douce que la vie que l’on s’apprête à rejoindre ?

Même dans le bruit le plus total et le plus intolérable, certains parviennent à garder la tête froide. Le bruit devient alors la confirmation d’une décision prise. Dans le vacarme du chantier « ils avaient échoué à la faire taire ». Le bruit est une notion finalement très relative et notre tolérance en est plus ou moins forte. « La pluie ne lui est pas douloureuse comme peuvent l’être tant d’autres sons ». D’autres parviennent à s’endormir au son du cri de Tarzan dans une fête foraine…

La surdité peut être une condamnation ou une forme de rédemption, le témoin d’une absence totale d’identification de la vérité, ou une punition, la révélation d’un crime odieux, ou un bienfait par ignorance. Chacun y trouvera sa propre interprétation.

Nous, lecteurs, avons chacun des histoires qui nous parlent plus que d’autres. Ceci sera le cas ici aussi dans les nouvelles qui vous sont proposées. Parcontre, je voudrais insister sur le fait que j’ai reconnu le style, la manière d’amener l’histoire, le phrasé et peut-être aussi les petites obsessions de chaque auteur y ayant contribué. J’ai ressenti des émotions fortes pour des textes où l’auteur ne peut installer une situation ou la psychologie d’un personnage sur 50 pages. Cela m’a éclairée sur la difficulté du genre et permis de « me réfugier à l’intérieur de ma tête ».

À toi Yvan, que ce projet tenait tant à cœur. Toi qui a mis toute l’énergie nécessaire pour qu’il voie le jour, toi qui as su convaincre et t’entourer de femmes et d’hommes dont le talent n’est plus à démontrer, je dis bravo. Je te souhaite, comme le dit Ellory, que parfois, tes pensées soient silencieuses… pour que tu puisses trouver refuge, quelques minutes seulement dans la chambre sourde de Sonja et ressentir cette « impression d’éternité ».

Aux auteurs sans qui rien n’aurait été possible. Vous avez sacrément assuré ! Juste un petit signe à Maud Mayeras qu’on espère pouvoir relire bientôt.

À Belfond, qui a cru en ce projet et a permis à un groupe de se créer dans ce projet commun diablement réussi ! Écouter le Noir c’est aussi entendre les voix des auteurs d’aujourd’hui… A lire absolument !

#EcouterLeNoir #NetGalleyFrance

 

 

 

 

 

9 réflexions sur “ECOUTER LE NOIR, sous la direction de Yvan Fauth – Belfond, sortie le 16 mai 2019.

  1. Yvan dit :

    Tellement touché par tes mots…
    Et sacré bel exercice de style, avec citations bien senties, bravo pour cette formidable chronique !
    Et merci…

  2. Aude Bouquine dit :

    Je te souhaite à toi et à ta team un succès bien mérité 😉

  3. Yvan dit :

    Dream team ! Belle aventure humaine ;-). Merci beaucoup, Aude

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