Aude Bouquine

Blog littéraire

Ce pourrait être un conte philosophique humaniste, un tract pamphlétaire, un programme politique, une dissertation sur la légitimité de l’être humain, une fable pour enfants appelant à l’égalité, une diatribe sur le bien et le mal, une satire sur la propension à juger, un brûlot sur l’hypocrisie, un réquisitoire pour ou contre la violence. C’est un roman. Un thriller sociétal. Un thriller qui vous assène des vérités que vous n’avez ni envie d’entendre ni envie de voir. Un roman qui m’a fait me sentir misérable, méprisable, honteuse. J’en sors touchée, cabossée, coupable, vexée, furieuse, blessée, triste.

Je ne me lancerai pas dans un résumé de ce livre. C’est tout simplement impossible. J’ai rarement lu une œuvre aussi dense, aussi condensée, capable d’aborder avec intelligence tant de sujets qui devraient nous préoccuper au quotidien, mais qui ne nous touchent plus. Que faisons-nous bien installés au fond de nos canapés, devant nos télés ou nos journaux de presse écrite, hurlant contre les scandales qui passent nos portes quotidiennement, contre les photos abjectes qui emplissent nos cerveaux ? Rien… Nous sommes devenus des moutons anesthésiés refusant souvent de voir parce que cela nous dérange. Voilà l’effet que ce livre a eu sur moi.

Des images me revenaient sans cesse en tête : les plages japonaises pleines du sang des baleines, des ours polaires faméliques piégés sur un minuscule morceau de banquise, des photos d’enfants morts sur le sable ayant tenté de fuir leur pays en guerre, des corps décharnés mourant de faim et de soif, des morts par balles aux terrasses des cafés, des exécutions dues à des dessins ou des propos polémiques… et même, pour parler un peu d’un sujet proche, des gilets jaunes. Une expression aussi : humanité de merde…

Vous voulez savoir comment on passe de l’humanisme au terrorisme. Lisez ce roman.

Vous voulez rêver « d’un monde où les uns et les autres prendraient soin de tous » ? Lisez ce roman.

Vous voulez comprendre pourquoi « L’humanité scie la branche sur laquelle elle est assise » ? Lisez ce roman.

Vous souhaitez être éclairés sur la notion de sacrifice ? Lisez ce roman !

Des sujets très actuels comme l’environnement, l’économie, la technologie se répandent à foison au gré des rencontres avec les différents protagonistes découverts dans               « Islanova » ou la trilogie « W3 ». Mais ce sont bien les personnages qui mènent le roman. Deux hommes, deux destins, pour deux temporalités : l’une commence en 2016, l’autre en 2018. Un but commun : changer les choses. Leurs différences résident dans la manière d’œuvrer.

Aux confins de l’Afrique jusqu’aux terrasses parisiennes, Jérôme Camut et Nathalie Hug vous embarquent pour une ballade dans notre monde, celui que nous avons construit et que nous laisserons à nos enfants. Il y a de quoi s’inquiéter… Il y a de quoi avoir honte… Ces auteurs ont décidé de mettre leurs révoltes et nos contradictions sur le papier et nous les envoient en pleine face. La violence du choc m’a mise KO debout, terrassée par la vacuité de ma propre vie, prenant conscience de ce confort étonnant de découvrir les combats des autres qui mettent ainsi en exergue l’absence des miens. Accrochez-vous à vos sièges parce que ça va secouer, vous n’êtes pas prêts de dormir sur vos deux oreilles, à moins d’avoir zéro conscience et pas une once de culpabilité.

J’en ressors groggy, dévastée par une palette d’émotions rarement ressenties à la lecture d’un seul livre, incapable de choisir mon camp, impuissante à offrir un début de réponse sur la façon opportune de mener les combats qui devraient être les nôtres. Notre irresponsabilité, collective, ne nous honore pas.

J’ai été autant attachée à Morgan Scali et sa soif d’idéaux, qu’à Julian Stark pour son besoin de vengeance et sa droiture. Finalement, ils ne sont pas si opposés lorsqu’on creuse un peu. Ils sont les vecteurs de cette histoire bouleversante, terriblement humains et humanistes, entiers, et idéalistes.

Ce récit est éclairant. Ce récit est engagé sans être moralisateur. Ce récit nous projette dans un avenir proche aux inégalités qui se creusent, un monde dans lequel les disparités provoquent les conflits, la haine, la révolte et le besoin de plus de justice sociale.

Et le mal viendra… À moins qu’il ne soit déjà là…

8 réflexions sur “ET LE MAL VIENDRA, Jérôme Camut, Nathalie Hug – Fleuve Noir, sortie le 4 mars 2019

  1. Yvan dit :

    Impossible de rester insensible à ce roman, à ses thématiques, au talent et à la folie des deux auteurs…
    Mais ça reste aussi un divertissement (même aussi frappant).
    Te voilà encore bien remuée… 😉

  2. Aude Bouquine dit :

    Je dois bien dire que non, cela n’à pas été un divertissement….

  3. Yvan dit :

    j’ai dit aussi, parce que c’est un roman. Mais qui pourrait devenir vite réalité… « Content » de te voir réagir ainsi en tout cas.

  4. Aude Bouquine dit :

    J’ai le cerveau en fusion 😉
    Tu avais raison, c’est trop court !! Très difficile de quitter cet univers.
    J’y étais presque « en vrai »

  5. Yvan dit :

    va lire Islanova alors 😉

  6. Morgane Lohéac dit :

    Je réfléchis depuis des années à ce qui se passe sur cette planète, il m’arrive même d’en pleurer tellement c’est juste… ignoble.
    Tu m’as donné envie de lire ce livre à 10000%.

  7. Aude Bouquine dit :

    Alors je te souhaite une bonne lecture. Tu n’as pas fini de pleurer malheureusement…

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