Aude Bouquine

Blog littéraire

Mathilde est terrassée. Étienne, son « presque » mari, celui avec lequel elle projetait de faire des enfants, la quitte… Pour une femme qui l’avait elle-même quitté. Incapable de ne pas se remémorer ce temps passé avec elle, transcendé par leurs souvenirs communs, il cède à la tentation des retrouvailles. Mathilde terrassée voit tout son univers s’écrouler. Sa vie de couple, mais aussi son travail d’enseignante de lettres qu’elle perd brutalement. Incapable de poursuivre sa vie seule, elle est recueillie pas sa sœur Agathe, son mari Frédéric et leur fille Lili.

Le roman se découpe en deux parties :

Dans un premier temps, focus sur la séparation et les émotions de Mathilde face à cette séparation. Mathilde vit dans un rêve de promesses de mariage et d’enfants faites lors du dernier voyage du couple en Croatie. « Tout était si beau et si puissant; on aurait dit que quelque chose d’éternel s’annonçait. » L’existence pensée immuable éclate et laisse place à un vide abyssal, une vie, « un cadre, avec rien dedans. »

Dans un second temps, Mathilde intègre le domicile de sa sœur Agathe. Le roman se transforme alors en huis clos, et propose une nouvelle dynamique de famille recomposée. Cet accueil dans l’intimité a pour but de permettre à Mathilde de se reconstruire, mais comment peut-elle y parvenir en étant le témoin permanent d’un bonheur quasi parfait ? Sa personnalité va peu à peu changer pour devenir celle d’une jeune femme envieuse, et terriblement jalouse. Progressivement, elle va grappiller du terrain et s’immiscer dans la vie de sa sœur, se rapprocher de son mari et devenir une mère de substitution pour Lili.

C’est toujours un immense plaisir de retrouver le plume de David Foenkinos. Dans « Je vais mieux », il m’avait étonnée par son habilité à démontrer comment le corps peut envoyer des signaux de douleur physique pour manifester une souffrance psychologique. Ici, j’ai été moins sensible à son argumentation. D’abord, j’ai trouvé la première partie extrêmement longue. Par déduction, la seconde partie est bien trop courte ! En effet, le sujet du livre était pour moi ce nouvel équilibre entre deux sœurs, quand l’une baignant dans le bonheur se retrouve confrontée à l’autre, nageant dans le désespoir. Peut-être que le sentiment de la perte, de l’abandon aurait pu me toucher davantage si je n’avais pas lu « Délicieuse » de Marie Neuser que je place au panthéon des auteurs pour sa capacité à décortiquer avec autant de justesse les affres d’une séparation. Cela explique sans doute mon manque d’intérêt et d’empathie par un choix des mots plus conventionnels, et des sensations exprimées qui m’ont semblée moins profondes. Je déplore cette absence d’émotions. J’attendais beaucoup de la seconde partie. Elle n’est pas assez aboutie, car elle est trop brève pour que le côté psychologique des personnages prenne vraiment possession du lecteur. Les dérives et le comportement de Mathilde ne sont pas assez poussés, David Foenkinos aurait pu creuser et décortiquer davantage cet aspect des choses. Il m’a manquée des scènes de confrontation entre les deux sœurs, des vérités jetées à la figure, des non-dits qui finissent pas exploser. La passivité d’Agathe qui sent, mais ne dit rien de peur de rajouter une couche au malheur de sa sœur, a fini par m’agacer. Une belle façon de démontrer certainement que celui qui souffre prend toujours l’avantage, en toute situation. L’attitude du mari d’Agathe, Frédéric est horripilante. Il se place tout seul dans le camp des hommes idiots qui ne voient rien venir et sont totalement ignorants du pouvoir de séduction d’une femme et de sa capacité à tout tenter pour parvenir à ses fins. J’ose espérer que la gente masculine a un peu plus de jugeote…

On parle de la fin ? Non, je vous laisse le soin de la découvrir et d’en parler après votre lecture. Pour ma part, elle m’a achevée.

Force est de constater que même lorsque l’on affectionne un auteur, ça ne fonctionne pas à tous les coups. Cela ne m’empêchera pas de continuer à suivre David Foenkinos et de lire ses prochains romans. Sans rancune David !

5 réflexions sur “DEUX SOEURS, David Foenkinos – Gallimard, sortie le 21 février 2019

  1. David Foenkinos m’a toujours laissé perplexe. 🙂

  2. Aude Bouquine dit :

    Pour cette fois, moi aussi … les adaptations de ses romans au cinéma Parcontre sont très bonnes !

  3. Oui c’est vrai. « La Délicatesse » notamment est un très beau film ! 🙂

  4. Tout à fait d’accord avec cette chronique… Je me suis sentie flouée par ce titre !

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