Aude Bouquine

Blog littéraire

Julie est une fille sympa, un peu barrée, originale, mais sympa : institutrice sympa, copine sympa, sa vie est sans histoire. Elle va bosser, de temps en temps boire des verres avec ses potes, rien d’extravagant. Jusqu’au jour où, elle apprend qu’elle est enceinte. Mais de qui ? Impossible de s’en souvenir… Promis, elle arrête l’alcool. En attendant, elle se met en quête du père : avec qui a-t-elle pu passer la nuit, et qui a osé planter cette Mauvaise Graine dans son ventre sans lui demander la permission ? « Pas d’erreur possible. Un signe » plus », ça veut dire « positif ». Deux signes… Ça veut dire : superpositif. Superenceinte. Jouez hautbois, résonnez musettes. Youpi youpi yay tchéketchéké yum yum. Tu ne t’es même pas fait sauter, et tu as réussi à te mettre en cloque. Bravo. Big up pour Julie. La conne du siècle. « Tous les gars de son cercle d’amis vont passer l’épreuve de l’interrogatoire et inutile de mentir, Julie sent quand on la balade. La grossesse déclenche des choses très bizarres dans son corps, notamment un profond sentiment d’invincibilité. Il s’avère que le petit polichinelle qui pousse dans son ventre génère l’arrivée de super pouvoirs : Julie devient alors une super Mum.

Ouvrez grands vos chakras, ce roman est très différent de ce que vous avez pu lire auparavant. D’abord, parce qu’il allie parfaitement un humour décalé, fantasque au phrasé unique avec un scénario très graphique, presque cinématographique d’un monde de superhéros à la Marvel avec scènes d’action si bien décrites que vous avez réellement l’impression de les voir défiler sous vos yeux. À mon sens, le point fort de ce texte est l’écriture. Nicolas Jaillet s’est certainement éclaté à raconter l’histoire de Julie, une fille comme les autres qui devient une fille pas comme les autres. Cet enthousiasme et cette énergie se sentent véritablement au cours de la lecture et l’auteur parvient à les transmettre à coup de bons mots et d’expressions rythmées souvent très drôles. Ainsi lorsque les amis de Julie tentent de la caser avec Kevin, voilà ce que ça donne sous la plume de Nicolas : “Organiser des dîners entre couples avec un mec célibataire pour la copine célibataire, même si ça part d’une idée généreuse… il ne faut pas. C’est mal. Même si vos couples vous ennuient. Même si vos habitudes, vos quotidiens, vos vacances programmées, vos baraques pourries qui vous ont endettés sur quinze ans, vos abonnements au câble, vos sexualités au jus de navet et vos gosses qui vous sortent par les yeux… Même si tout ça vous donne des envies de bidon d’essence et d’allumettes, tous les dimanches à dix-sept heures… ne faites pas ça.” (…) Peut-être que ça vous donnera un semblant de renouveau ; de quoi pimenter par une vague érection votre prochain plateau-télé. Peut-être que, par extraordinaire, vous baiserez une fois de plus part semaine que d’habitude, ce qui fera au total : une fois par semaine. N’empêche. Rien ne justifie ça. C’est mal. »

Si le roman commence comme une véritable comédie presque romantique à forte tendance humour anglais (d’où le bandeau fort à propos « Quand Bridget Jones rencontre Kill Bill »), il bascule très rapidement vers un Tarantino ayant pour héroïne une Béatrix Kiddo-Julie, icône féminine, courageuse, tenace et acharnée, tendance fantasque, excentrique et plutôt burlesque. Impossible de ne pas l’aimer tant elle fait rire, et suscite l’empathie. Car, ne vous y trompez pas, nous sommes bien dans un thriller, original, décalé, mais un thriller quand même.

Nicolas Jaillet ne fait pas dans le « tapin social », on ne voit pas son bouquin partout, et c’est bien dommage, car dans le style, il a quelque chose d’unique. Dans le rythme, il allie parfaitement scènes drôles et scènes d’action, une fraîcheur singulière dans un domaine où beaucoup de choses ont déjà été tentées. C’est un thriller d’un genre nouveau, loufoque et cocasse, mais qui maîtrise fort bien les codes du genre. Je salue vraiment la ligne éditoriale de la Manufacture de Livres qui propose des romans qui sortent de l’ordinaire en proposant des textes moins codifiés, mais passionnants. Une ode à l’imaginaire pour celui qui se laissera prendre par la main, curieux de découvrir une autre façon d’écrire du noir.

9 réflexions sur “MAUVAISE GRAINE, Nicolas Jaillet – La Manufacture de Livres, sortie le 11 juin 2020.

  1. Yvan dit :

    Si tu le dis, on devrait vraiment t’écouter. Surtout que je suis bien d’accord avec toi ;-).
    Un livre étonnant et quelle plume !

  2. Aude Bouquine dit :

    Encore une lecture grâce à toi 😉
    Je vais te suivre comme ton ombre même si elle disparaît 😉

  3. Yvan dit :

    Ahahah!
    Private joke, excellent 😁

  4. Aude Bouquine dit :

    J’aime quand tu comprends mon humour à deux balles 😂

  5. Yvan dit :

    C’est la meilleure vanne entendue ce mois ci !! Et je suis le seul à la comprendre 😁

  6. Aude Bouquine dit :

    C’est bon de lire un tel enthousiasme pour ce roman vraiment si spécial !

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